ZEROSECONDE.COM: septembre 2005 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

L'avenir appartient à ceux qui se branchent tôt...

"If you're not a curious or open-minded person, the arrival of new media channels will not change your tendencies. On the other hand, if you were curious before, chances are very good you will take advantage of the new environment".

Tim O'Brien cité par Sonja Haller (The Arizona Republic)

Le spectacle du monde

Après le sommeil, les repas, le travail, l'entretien du corps et de sa chaumière, ce qui reste ensuite s'appelle le temps libre.

On utilise parfois ce temps pour acquérir de façon utilitaire des compétences (en matière économique par exemple, ou pour le boulot) afin de s'affranchir de sa situation.

Mais principalement, soyons franc, une grande partie de ce temps est dépensé pour ce que l'on peut appeler le spectacle du monde.

On regarde le monde

Le monde est un spectacle sans fin, divertissant et instructif. On peut le faire à la table d'un café, en regardant la télévision, en lisant les journaux ou en voyageant. Le monde peut se réduire à son voisinage, au potinage artistique, au sport, ou s'étendre à la politique ou à la terre entière.

Ce spectacle est un jeu : on décide quelle partie regarder, combien de temps on l'écoute et avec quel degré d'implication on s'investit.

Deux types de jeu

On distingue souvent à ce jeu une portion "noble" et une portion "populaire": le spectacle du monde "sérieux" et un spectacle du monde "léger".

Le premier s'intéresse à ce qui s'apparente à de hauts faits historiques (le retrait de la bande de gaza) et le dernier porte principalement attention aux petites choses locales ou aux apparences superficielles des choses (ce que pense telle vedette).

La critique des mass média repose sur l'omniprésence du spectacle du monde "léger" au lieu de programme de "haut niveau". Comme si du jour au lendemain, tout le monde lâcherait le football pour faire du ballet.

Le spectateur du monde (qu'il soit léger ou sérieux) n'a pas l'ambition de maîtriser un sujet (au sens de devenir professionnellement expert), mais bien d'apprendre ce que le monde dit à propos du monde. Le succès de l'émission "Tout le monde en parle" est probant. "Le cercle de minuit" ou "Apostrophe" aussi. Seuls les thèmes changent.

Le sérieux se prend au sérieux

Évidemment, les spectateurs du monde sérieux acceptent difficilement que l'on puisse ne pas s'engager dans le jeu avec le même sérieux qu'eux. Le spectacle sérieux ne se limite pas à l'actualité et à l'Histoire, mais aussi au monde des idées - l'histoire des idées, la philosophie et même la lecture de blogs. Mais en tout cas, il s'agit d'un jeu d'observation.

Ce que dit Céline Dion ou Ariel Sharon a un poids différent dans la tête de chacun.

C'est que le "sérieux" prend son spectacle au sérieux. Le "léger" prend le sien à la légère. Normal que le premier fasse la morale au second.

Bien informé?

Être "bien informé" constitue pourtant un vecteur important pour les deux types de spectateurs.

Mais ce que "bien informé" veut dire varie d'un groupe à l'autre. Et souvent être informé veut dire recevoir cette information à travers une tierce personne (via les journaux, la radio, la télévision, les conversations, l'éducation, les blogs, etc). La connaissance de première main (comme quand on voyage) reste globalement très limitée : la connaissance du monde (que ce soit le sport ou l'actualité internationale) vient essentiellement d'une connaissance "rapportée".

Nous n'avons que très rarement accès à l'information directe - et on ne parle pas d'avoir accès au fil de presse, mais bien à l'événement lui-même.

Dans ce cas qu'est-ce qui confirme au spectateur "sérieux" qu'il regarde de façon adéquate le monde? Est-ce que son monde est vraiment plus étendu que le spectateur "léger"? N'a-t-il pas lui aussi des biais?

Vision de qualité?

Il serait faux d'affirmer que la vision des "sérieux" est meilleure parce que plus large, car ils ont probablement une conception du monde entièrement faite de connaissances de tierces parties. A un moment ou à un autre ils doivent faire confiance à ce que l'autre dit. À un moment ou à un autre, il a dû choisir l'un plutôt que l'autre. Et ce choix, c'est un biais : on ne lit pas impunément le Nouvel Obs ou le Figaro sans déformer sa réalité du monde.

Bush fils en est le meilleur exemple : à entendre ses excuses sur l'incurie de son administration après le passage de l'ouragan Katrina, il a été vraisemblablement mal conseillé. Sa vision "large" était finalement plus étroite que celle des gens sur le terrain (ou dans l'eau dans ce cas-ci).

Sa vision était plus large, mais cela ne garantit pas la qualité.

L'autorité cognitive comme préoccupation


Une vision large n'est pas nécessairement meilleure. L'inverse non plus. Seul le focus est changé.

Les spectateurs "légers" n'ont pas le problème de l'autorité cognitive : c'est-à-dire un besoin crucial d'identifier les ressources expertes sur un sujet. Il est bien plus pratique - et gratifiant - de l'être soi-même. Le sport est un monde somme toute s'appréhende facilement par un esprit humain autodidacte.

Suivre l'actualité mondiale, par contre, demande un réseau de confiance très étendu afin de cerner le maximum de nuance. Or ce choix de réseau appelle nécessaire une déformation, ne serait-ce que par intérêt personnel.

La blogosphère comme réseau de confiance

Sur le web, ce biais s'appelle blogosphère (b minuscule) qui est une sous-partie de la Blogosphère (B majuscule) de la même manière que notre univers visible (une bulle de 15 milliards d'années-lumière) n'est qu'un sous-ensemble de l'univers total (toutes les planètes de l'Univers sont au "centre" d'une bulle de 15 milliards d'années-lumière, mais toutes ne se recoupent pas nécessairement).

Les blogueurs (qui sont aussi les principaux lecteurs de blog) sont à leur manière des spectateurs du monde, des spectateurs de leur blogosphère. Un monde d'idées, de conversations, d'échange.

Ils en sont aussi des acteurs. Des acteurs abstraits peut-être - par opposition à de la coopération internationale par exemple- qui oeuvrent dans un réseau entièrement basé sur l'échange d'informations, de connaissances, d'expériences du monde "relayés". A lit B qui dit C a écrit D.

C'est un monde basé sur l'autorité cognitive, les influences et la crédibilité. Si on est un spectateur "sérieux", on regarde la blogosphère avec sérieux : et on se pose la question de la crédibilité. Les "légers" porteront moins de soin à la validation.

L'arrivée des barbares ;-)

Comme le transfert de l'auditoire de la télévision émigre lentement vers le web, il faut s'attendre à voir apparaître une grande quantité de gens surfer avec légèreté. Leur temps libre reste un moment de divertissement. Il y a de fortes chances qu'ils acquièrent tout de même une connaissance "plus large" du monde. Mais avec leur biais à eux.

Alors arrivera la confrontation des visions : ils pourront confronter les "sérieux" sur leur terrain et affirmer (avec lien à l'appui) toutes sortes de choses et leur contraire.

Ce sera alors le conflit des autorités cognitives...

De l'utilité de mon agrégateur

Petite réflexion à fil ouvert sur l'utilisation que je fais de mon agrégateur de contenu.


Tel que je les connais, les agrégateurs d'aujourd'hui ne resteront que des outils spécialisés pour infouboulimiques.

Il faut comprendre que je vois une différence entre un blog et un weblog (lire mon billet "Le blog n'est pas un weblog"). Les blogs se spécialisent en création de contenu, et les weblogs ( c'est à dire des logs de sites web) sont des liste de pointeurs, précédant en fait del.icio.us (ou tout autre services de tagging). Bien sûr la séparation n'est pas à couper au couteau.

Le problème.

Autant je peux suivre via un agrégateur
  • 20 fils del.icio.us,
  • 30 fils de site comme boing-boing et
  • 40 fils de site de journeaux,
Autant il m'apparait impossible de "suivre" 90 fils de sites de blogs comme par exemple :
Pourquoi?

Parce que pour les premiers (les "weblogs") ma recherche se limite à des mots clefs et que les seconds ma recherche exige un aspect sémantique.
  • Par exemple, pour les "weblogs" je m'attends à ce qu'ils m'indiquent (par sérendipité peut-être) des sites de contenu particulièrement intéressants. Je demande à mon agrégateur de chercher des mots comme "blogs" ou "rss" pour pouvoir scruter en diagonal les choix retournées.
  • Par contre pour les "blogs", mon agrégateur est incapable de comprendre le sens des billets à contenu. Je dois faire le tri moi-même. Mes blogs favoris ne parlent pas tout le temps de chose qui m'intéressent.
Mais autant mon agrégateur m'est d'une précieuse aide pour les premiers, autant pour les seconds, au delà d'une certaine quantité, je suis incapable ne serait-ce que de lire les titres : les billets sont trop denses (et intéressants) pour que je puisse les lire tous. Je n'ai pas le temps de me rendre à la fin de la liste.

La limite n'est même pas technique. Elle est humaine.

Je ne peux pas "réellement" suivre plus d'une cinquantaine. Et alors? Et bien, un blogroll bien simple ferait bien l'affaire...Alors pourquoi avoir un agrégateur pour 50 fils? peut-être pour voir qui a écrit quotidiennement. Mais si j'attends une semaine. Tous ont écrit quelque chose. La visite des 50 sites s'imposent. Mon blogroll dans ce cas fait bien l'affaire encore.

Pour trier l'information, l'agrégateur est imbattable. Mais quand je veux suivre ma micro-blogosphère de contenu dense, c'est moi qui est la limite... Mon agrégateur me mets en pleine face tout ce que je n'aurais pas le temps de lire.

Dès que l'on quitte le domaine de la technologie (et que l'on ne s'intéresse plus du tout à des acronymes comme xml, ajax, opml) il devient difficile de trouver de l'information sans des mots clefs univoques.

Si j'ai le malheur de m'intéresser à l'épistémologie ou l'autorité cognitive, je suis tributaire de leur emploi (ou non) dans le billet. Les geeks n'ont pas cette malchance. Par étonnant que les agrégateurs soient prisés parmi cette clientèle - mais moi, au moins, mes mots me permettent de faire des sacrés score au Scrabble!

L'agrégateur sémantique et l'autorité cognitive.

Mais est-ce qu'un "agrégateur sémantique" pourrait m'aider? Serais-je mieux servi? Ne croulerais-je pas sous l'avalanche de résultat?

Devant la somme des résultats "pertinents", ne serais-je pas devant une problématique typique de l'autorité cognitive : quels sont les critères de pertinence que je dois utiliser pour trier l'information? à qui dois-je faire confiance pour croire ce qui est écrit? On y revient toujours.

Google lance Blog Search (beta)



Enfin! On peut chercher dans la blogosphère à partir de Google : http://blogsearch.google.com/

C'est la même chose que http://search.blogger.com/ mais avec le branding de Google.

L'indexation semble avoir commencé en juillet 2005 (même avant pour certains blogs). La définition technique d'un blog n'est pas précisée : il suffit d'avoir un fil web ou de faire des pings à des services comme Weblogs.com.

Le grand avantage, c'est la recherche chirurgicale d'un billet avec mise à jour de la base fréquente. Technorati vient de perdre des plumes.

Autre bon point : chaque recherche possède son fil web (atom ou rss).

La blogosphère vient définitivement de naître (pour le gand public) : sa reconnaissance par Google permet de séparer le contenu spécifique de la blogs des autres contenus (news, forum).

Je ne serai pas étonné si blogsearch.google reste très longtemps en version beta , car il m'apparaît très difficiel (voir impossible) de définir des critères techniques pour préciser quels fils webs sont des blogs ou non (conment distinguer une mise à jour d'un site d'un commentaire d'une personne).

La première chose que l'on va voir fleurir maintenant, ce sont les "PR blogs", ces carnets corporatifs de relations publiques . Le territoire est maintenant défini. Blogsearch.google sera considéré comme un canal (ou un média) pour atteindre une clientèle.

(via Boing Boing)

You got jail !

La liberté d'expression et Internet ne font pas bon ménage en Chine. Mais nos géants favoris -Google, Yahoo, Microsoft- s'y amusent comme larrons en foire. Déluge d'indignations.
"Yahoo had to comply with a demand by Chinese authorities to provide information about a personal e-mail of a journalist who was later convicted under state secrecy laws and sentenced to 10 years in prison, according to the company's co-founder, Jerry Yang."
International Herald Tribune, 12 septembre 2005

Yahoo! confirms passing information to authorities on Chinese journalist
Australian Broadcasting Corporation, 12 septembre 2005

En 2002, Yahoo ! a été une des premières entreprises à signer l’ « Engagement public sur l’autodiscipline pour l’industrie d’Internet en Chine » ( "Public Pledge on Self-Discipline for the China Internet Industry")
Reporter sans frontières
9 septembre 2005

Yahoo! e-mail in China: must be evil to be legal Rebecca MacKinnon, RConversation, 8 septembre 2005

"The revelation reinforces a conviction among Chinese "netizens" that there is no place security forces can't find them."
Robert Marquand, The Christian Science Monitor, cité dans CORPwatch, 12 septembre 2005

Not to be read in China
de John Simpson, BBC world affairs editor, Beijing, 12 septembre 2005.
Vous avez aussi remarqué dans la dernière année:
Microsoft censors Chinese blogs (BBC, 14 juin 2005)
Arnaque et censure sur les blogs de Microsoft, (le monde.fr, 4 décembre 2004)
Google news service in China blocks banned sites, (CTV, 25 septembre 2004)
Et un compte rendu de Google-watch en septembre 2004
et beaucoup d'autres articles sur Google

Bon. Quoi penser?

Deux constats (et deux questions):
  1. Si Google, Yahoo et MSN sont prompt à être de bons citoyens pour la Chine, donc ils le sont aussi pour leur pays (mais alors que font-ils donc dans "notre" dos pour aider "leur" gouvernement américain ?)
  2. On demande maintenant aux corporations de défendre des idées politiques, et en même temps nous demandons à nos politiques de se restreindre à l'économie (n'y a-t-il pas là une cynique inversion ?)
Il faut bien comprendre. La liberté d'expression implique que nous diffusons notre point de vue au détriment de notre anonymat. Il s'agit alors de se battre pour que ce ne soit pas un crime. Ne donnons pas aux marchants le pouvoir de défendre ce droit. On ne peut leur faire confiance. Exigeons de nos politiciens de défendre ce droit (et de faire de la politique, quoi!) en faisant pression sur ces gens qui ont une conception bien limitée de l'accès à l'information...
---
Notes
Le titre de ce billet vient de Physorg.com : You've got Jail!
Le premier post qui a déclenché cette recherche : Moteurs & Morale : les nouveaux citoyens "censurés-connectés" sur le nouveau blog Affordance.info

Ressources pédagogiques en NTIC

EducNet propose des exemples d’usages pédagogiques des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement.

Chaque document donne des exemples d'utilisation ou d'application en classe, en fonction des thèmes ci-dessous (pdf)

PDF Éducation civique, juridique et sociale
PDF Éducation physique et sportive
PDF Enseignements artistiques
PDF Français et littérature
PDF Histoire et géographie
PDF Langues anciennes
PDF Langues vivantes
PDF Mathématiques
PDF Sciences de la vie et de la Terre
PDF Sciences physiques et chimiques
PDF Sciences économiques et sociales
PDF Économie et gestion
PDF Sciences et techniques industrielles
PDF Documentation
PDF Éducation, sciences et techniques spatiales


EducNet propose aussi une page sur la recherche documentaire

La bibliothèque de l'Université du Québec à Montréal propose une site plus complet sur comment apprendre à faire une recherche d'information efficace

Sur les problèmes de la recherche documentaire lire aussi (quoique plutôt vieux) la section 3 sur les metadatas qui introduit le Dublin Core pour ceux qui ne connaissent pas:
Repérage de l'information sur Internet : Nouveaux outils, approches bibliothéconomiques et micro-structures

Tant qu'à être dans les vieux textes: Comment s'informe un intellectuel au siècle des Lumières : le cas de Voltaire.

Getting Things Done

On peut être séduit par le processus de Getting Things Done de David Allen afin d'arriver à faire tout ce que l'on veut faire. "Remedies and prescriptions to stay on top of your world". Le processus est efficace. Mais on se demande de quel monde on parle : top of my world?!

Illusion mimétique de copier la machine. Les rôles sont inversés. L'humain n'est plus le modèle pour la machine.


Cette caricature (que Marc-André avait posté il y a quelques mois) provient de Too Much Coffee Man.

Glocalization

Le Web 2.0 fait bien jaser. On l'associe à d'autres mots à la mode : remix, tagging, ouverture, social networks, open APIs, microcontenu, personalisation. La meilleure définition, à mon avis reste : read/write web.

Apophenia propose une définition plus politique:

Why Web2.0 Matters: Preparing for Glocalization


"Web2.0 is about glocalization, it is about making global information available to local social contexts and giving people the flexibility to find, organize, share and create information in a locally meaningful fashion that is globally accessible."

"Let the technology and business follow the desires and needs of people. Otherwise, Web2.0 could completely collapse or simply become a tool for the maintenance of structural power."

Charte du knowledge management

Il y a un an j'écrivais un (long) billet sur ce que j'appelais le extreme KM: une charte qui force les employés à transmettre leur connaissance à l'entreprise.

Et bien voilà, c'est fait, Martin Dugage Roulleaux annonce la livraison d'une charte du Knowledge management (pdf).

"La présente charte manifeste la volonté de l’entreprise d’assurer un développement harmonieux de son système de bases de connaissances, en faisant la promotion de son utilisation et en le préservant d'éventuels détournements d'usage."


La charte du knowledge management
La charte précise ce qu'elle entends par "partage" et "mutualisation des connaissances". Si l'entreprise "s'engage à mettre à disposition des utilisateurs un système de bases de connaissances ergonomique et moderne qui leur facilite le travail de capitalisation et de partage des connaissances en l'intégrant dans les processus de l'entreprise", l'employé, lui, doit se soumettre de force à la conservation numérique de toutes traces de ses activités professionnels, à les répertorier et coopérer à toutes requêtes sur sa production.

On ne manquera pas de remarquer que seules les compagnies qui pourront faire du data mining sur le déluge de données qui découlera de la mise en place d'une telle charte seront en profiter.

Il me semble que cette charte revendique trop une approche "top-down" et qu'elle laisse place à des abus potentiels (je crois que l'adhésion à la charte est relié à l'emploi), mais il est peut-être trop tôt pour s'en apercevoir (voici une crainte dont je faisais part). Il est évident qu'il n'y a aucune malice dans le document et il y a fort à parier que l'origine de la charte provient d'une frustration répétée de la non-coopération actuelle des travailleurs du savoir au sein de la compagnie qui en a fait la rédaction (ou selon l'expérience de ses rédacteurs).

La connaissance paye... mais à qui?
On ne se le cache pas, cette charte est là pour protéger et enrichir la compagnie (en autant qu'elle sache faire fructifier le savoir ainsi accumulé). Le KM, l'était déjà, avant, mais de façon passive. "L’entreprise est en droit de réaliser tous les traitements automatisés d’analyse et de renseignement qu’elle jugera utiles sur ses bases de connaissances."

Vous pourriez être légalement tenue de former la mémoire de l'entreprise.

Voici donc aujourd'hui la première tentative d'une société d'instituer et de conserver une mémoire corporative puisée à même ses ressources humaines qu'elle emploie. Elle pourra être la somme de tous ses travailleurs qui sont passés en son sein.

Tout ceux qui travaillent à faire circuler l'information dans leur compagnie risquent d'être séduit par les sirènes de la collaboration forcée (rétroaction rapide, l’interrelation entre les chercheurs, valorisation des processus de recherche).

Lutte des classes xml
Que l'on ne se méprenne pas sur mon point de vue : j'aime le partage de l'information, même en entreprise, mais la consignation numérique de tous les actes professionnels pourrait spolier à terme tout ce qui reste d'humain chez le travailleur (après la force mécanique, c'est au tour de l'intelligence d'être exploité). Quand la base de connaissance aura une masse critique, moins d'employés seront nécessaires pour faire vivre l'entreprise...

La conclusion que j'apportais l'an passé reste toujours pertinente:

Le besoin de rendre une communication claire et explicite demande d'être soi-même clair et concis dans ses pensées, nous sommes porté à réfléchir et retravailler notre pensée jusqu'à la complète compréhension de la problématique.

Jusqu'ici, tout va bien.

Mais alors, pour qu'elle se réalise, cette pensée, elle devra être verbalisée ou écrite. Et à ce que je sache, dans un réseau où joue la sérendipité, la transparence est de mise. Or toute idée exposée (même personnelle ou involontaire) sur un lieu de travail deviendrait la propriété de l'employeur, l'employé n'ayant pas les capacités cognitives d'arrêter le flot de sa pensée ni de conserver celle-ci sous formes d'idées non extériorisées le temps de s'extraire du territoire légal.
Les technologies d'information retrieval sont encore trop primitives pour nous permettre de réaliser tout le pouvoir caché derrière la "traçabilité des activités" inscrite dans cette charte. C'est pourtant pour demain...

A suivre...

PS: précision du 7 septembre.
Un peu de détail sur le document (par moment l'accès au document semble instable):

Charte : Utilisation des système de bases de connaissance
de l'AFAI : L'association Française de l'Audit et du conseil Informatique
Mai 2005
Publier sous Creative Commons (ça mérite mention)

Elle contient une quinzaine de page, mais seulement la moitié est consacrée à la charte elle-même. Le texte est écrit dans un langage concis, clair et accessible (ça aussi ça mérite mention).

Le comité de rédaction de la charte se compose d'une quinzaine de spécialistes en la question.

L'intérêt de cette charte est de normaliser une certaine pratique du KM d'une entreprise à l'autre (ce qu'elle réussi bien).

Il faut reconnaître qu'une charte reste un levier important pour la mise en oeuvre d'un processus de gestion de la connaissance : c'est un moyen de vaincre les freins humains à l'instauration du KM en entreprise. Bien appliquée, cette charte permet de faire collaborer ensemble les "knowledge workers" en valorisant l'aspect "échange des savoirs" et en luttant contre l'inertie typique quand il s'agit de "partager".

En résumé, elle rend obligatoire:
- la traçabilité des activités
- l'identification des contenus produits
- coopération requise
- responsabilisation de l'information diffusée quant à sa complétude et sa pertinence

La présente charte insiste aussi sur la protection des données confidentielles et sur le respect des droits de propriétés intellectuelles. Elle précise l'obligation de garder confidentiel ses modalités d’accès et d’authentification (nom d'usager et mot de passe) : il s'agit de s'assurer correctement de l'identité de l'usager du système - clef de voute à la responsabilisation de l'employé.

Elle oblige la compagnie de maintenir le système "à l'état de l'art par des améliorations et des mises à jour régulières". Quant on sait que l'ergonomie est le problème numéro 1, ce n'est pas une mince tâche de la "maintenir dans l'état de l'art"...

Ma préoccupation personnelle réside surtout dans sa contrainte contractuelle pour le travailleur d'être obligé de tout consigner ("Le non respect des règles définies dans la présente charte pourra entraîner la suppression immédiate du droit d’accès de l’utilisateur à l’outil de gestion des connaissances ainsi que des sanctions disciplinaires et/ou des poursuites judiciaires. (...)"). Dans le cadre normal de ses activités, il n'y a peut-être rien à craindre. Mais je me méfie des fois des "bonnes intentions" des "grosses compagnies" ;-)

Fil web et wiki en entreprise

Deux articles tirées d' Information Week pour alimenter votre réflexion sur les avantages des fils web et du wiki en entreprise (via Cutting Through) -

Order From Chaos Via RSS

How To Use Wikis For Business


Extrait de Order From Chaos Via RSS:
"I can create an RSS channel for the finance department called 30-days-past-due receivables - They just look at their RSS reader."

Cette idée est un bon moyen d'éviter de se faire téléphoner 3 fois par jour : Just read the F* feed! (si vous me permettez l'expression). Inventez vos propre fils : la réservation des salles, l'avance des travaux, suivi des dépenses, etc. Je disais l'année passé que le serveur de fils serait le prochain must...

Extrait de How To Use Wikis For Business
"Consider implementing a wiki if: You want to manage and organize meeting notes, team agendas, and company calendars."

Commencer simplement et facilement avec des tâches qu'aucun logiciel ne fait adéquatement (Word crée des fichiers qui se perdent dans les répertoires du réseau de partage et le email ne fait que s'accumuler dans le inbox).

Dans les deux cas, la vraie chose à ne pas négliger si vous tentez d'implanter ces deux technologies en entreprise : l'inertie des employés. Oh! aucune mauvaise foi ici, les employés ne change pas facilement leurs habitudes. C'est tout. Ce sera la chose la plus difficile du projet. Le reste n'est que techique....