ZEROSECONDE.COM: juillet 2009 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Sommaire du mois de juillet 2009

Juillet, mois de vacances, mais pas du cerveau. La blogosphère ralentit, alors tournons-nous vers des grands auteurs.

Seth Godin : sortie de son livre Tribus, en version française.
Paul Virilio : « L'immédiateté est le contraire de l'information ». Vraiment? Pourquoi cette attaque contre Twitter. On décortique.
Bernard Poulet : compte rendu de son livre : La fin des journaux.
Michel Foucault : vivons-nous une rupture ou une continuité.
Chris Anderson : copie, persiste et signe.

Et des petites brèves
Parole Citoyenne passe aux mains de l'INM
Tweeter dans les cours d'Histoire?
Joost est-il mort?

Et tweetons le 14 juillet 1789 !

Tribus -version française

À l'occasion de la sortie du livre Tribus, la version française de Tribes de Seth Godin (voir mon interview avec lui), voici un extrait de la préface, écrite par Marylène Delbourg-Delphis, tirée du blog de l'éditeur Diateino.

TRIBUS de Seth GODIN« Seth Godin a publié son livre avant l’élection d’Obama (en octobre 2008) et note simplement que « dans le monde d’aujourd’hui, Barack Obama parvient à lever 50 millions de dollars en 28 jours ». De fait, Obama a levé 500 millions de dollars au cours de ses 21 mois de campagne pour la Maison-Blanche. Un record, à coup sûr. Mais comment se fait-il qu’Obama ait été si extraordinairement efficace et que ni Hillary Clinton (lors des primaires des démocrates) ni John McCain (lors de l’élection présidentielle) n’aient su bénéficier d’Internet dans des proportions comparables ? »

«(...) Jusqu’en 2006, Internet est essentiellement un media ayant pour fonction d’informer et d’accéder aux masses – avec le présupposé que plus on touche de gens, mieux c’est. Avec Obama, Internet est une plateforme pour identifier et générer des réseaux différenciés de fans, des micro-mouvements d’activistes, des tribus très différentes entre elles, mais qui sont interconnectées par un message. Ce message, exprimé au travers d’informations transmises en temps réel, a opéré comme une sorte de protocole de communication établissant un langage de base commun. Les internautes auxquels s’est adressée la campagne Obama n’étaient pas seulement des millions de paires d’yeux, mais une myriade de petites tribus dans chacun des 50 États des États-Unis, chacune étant susceptible de se retrouver sous un angle ou sous un autre dans la tribu Obama globale. »

« (...) L’approche Obama, ajoute David Plouffe [le directeur de campagne d’Obama], « a déchaîné l’imagination et le talent de millions d’Américains dans la détermination du résultat ». Ces millions d’Américains se sont approprié le message d’Obama en restant dans leur sphère à eux et leur imaginaire. Internet n’a pas seulement consisté à diffuser le même mot d’ordre à tout le monde, mais un même message que les gens pouvaient traduire dans leur langage à eux sur le terrain, ce qui est très différent. Comme l’écrit Seth Godin : « Ce que font les leaders : ils donnent aux gens des histoires qu’ils peuvent raconter eux-mêmes. Des histoires sur le futur et le changement. »

« (...) L’important n’est peut-être pas tant dans le fait qu’une tribu est toujours une tribu, qu’elle soit ou non numérique ; l’important est le type de coopération qu’un leader établit entre sa tribu dans le monde physique d’une part et sa représentation Internet de l’autre. »

« Le versant Internet d’une tribu est son architecture organisationnelle, qui permet une communication immédiate et à tout le monde de savoir quoi faire à tout moment : Internet ajoute une dynamique et une réactivité impossibles à imaginer hors-ligne et peut donc changer l’impact d’une tribu d’une façon considérable. »
La version électronique peut être achetée ici. Le livre papier devrait atteindre les tablettes à partir de la mi-août 2009.

Pour en savoir plus sur Seth Godin, voir mon billet.
Pour lire l'interview que j'ai fait avec lui en avril 2009.

Virilio et la peur de l'immédiat

« L'immédiateté est le contraire de l'information » Paul Virilio, source JDD.

Ce penseur de la vitesse, depuis plus d'une décennie, contemple une fois de plus que "l'Histoire s'accélère". Dans le Journal du Dimanche (JDD), il y va d'une petite tirade contre Twitter.

«Prenez l'Iran. Au moment où l'empathie devenait réelle, Michael Jackson est mort, et c'était fini. On a célébré le dieu mort du show-biz, universellement et instantanément, et l'Iran a été chassé de l'immédiat. L'instant était passé.»

Il a raison. Twitter a joué le rôle de révélateur de l'épiderme des peuples. Mais il passe sous silence le fait que c'est Twitter, l'immédiat, qui a amené l'Iran sur la scène médiatique d'où il serait passé inaperçu. Le phénomène Jackson n'avait pas besoin de Twitter pour occuper la une et le prime time.

«Plus on entre dans l'accélération des phénomènes, plus on brouille les repères. On n'a plus d'affrontement entre la vérité et le mensonge, mais une succession toujours plus rapide d'instants irréfutables: des émotions globales, synchrones, instantanées, à l'échelle du monde entier

Accélération et réflexion ne font pas bon ménage. Paul Viriio le répète depuis longtemps. Il cherche à démasquer l'instantanéité trompeuse comme source d'une catastrophe appréhendée.

«La démocratie s'adresse à un corps social réfléchi, pas à un agrégat d'individus rois faussement unis dans une émotion collective. Tant qu'on n'aura pas pensé ce problème, on n'arrivera pas à inventer une démocratie de notre temps. Il faut inventer une "économie politique de la vitesse"».

Mélange tes codes
Quand il dit que l'immédiateté est le contraire de l'information, il fait malheureusement l'amalgame entre la vitesse du signal et le contenu du message. Si nous devions intégrer les gazouillis de Twitter comme autant d'influx nerveux, comme des lignes d'instructions, l'immédiateté ne serait pas seulement nuisible, mais impraticable.

Il faut rester pragmatique: un gazouillis de Twitter n'est qu'un signal, retransmis si affinité, mais pas plus instructif qu'un gros titre dans un journal. Disons qu'il possède la faculté d'être "immédiatement propagé" s'il rencontre une ligne de résonance dans la culture des twitternautes. Sans plus.

Dire que l'immédiateté est le contraire de l'information, c'est dire que le transport du signal n'est pas le contenu du message...

Alerte dans le twitterspace
Peut-être que l'on simplifie beaucoup sa pensée en se limitant à quelques extraits, mais ça suffit pour comprendre que la vitesse effraie Virilio: hystérisation des foules, folies irrationnelles des marchés, pensée plate et sans recul - voir Alerte dans le cyberespace ! qu'il a écrit en 1995 dans le Monde Diplomatique à ce sujet.

Soit. Et son appel est entendu ("penser la vitesse et son incompatibilité avec la réflexion démocratique"). Il n’y a jamais d’acquis sans perte, dit-il. Un acquis se traduira nécessairement par une perte (il reprend une formule d'Hannah Arendt "Le progrès et la catastrophe sont l'avers et le revers d'une même médaille." On invente le train? On invente le déraillement - lire "Le krach actuel représente l'accident intégral par excellence" sur le Monde).

Il suffit de ne pas prendre les mouvements des tags populaires pour des votes démocratiques.

Redistribution
Mais faut-il avoir peur de l'immédiat pour le reste? Dans une société de l'information, la mise en place des éléments du nouvel écosystème exige la présence d'outil de partage démocratique de l'information. Ces outils sont tout aussi puissants et rapides que ceux qu'avaient les magnats du début du siècle dernier. Ils sont seulement mieux distribués.

Dans le cas précis qui nous concerne, Twitter, en tant qu'outil de distribution d'information électronique, il n'y a aucun sens de recevoir l'information "plus lentement": l'instantanéité de la transmission est nécessaire. Je parle ici de sa réception -peut-être que dans son émission, pour certains, un délai peut-être bénéfique ;-)

Mais l'instantanéité de l'internet est le contraire de l'instantanéité de la télévision. Ce serait même l'inverse, comme le dit ThierryL dans un commentaire chez Narvic, "contrairement à la continuité vidéo de la télévision sur laquelle on ne peut pas revenir, on a tout le temps du monde en tant qu'utilisateur de lire et relire les textes, voir et revoir les vidéos."

Enseigne-t-on ça au jeunes ? En tout cas, on l'enseigne aux journalistes en Chine: Twitter Seen As Tool For Social Change In China
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Référence : L'instant contre la démocratie, par Paul Virilio (sur le Journal du Dimanche)
Plus d'info:
Interview de Paul Virilio : infantilisation et temps réel (vidéo chez les Humains associés)
Un paysage d'événements. Entretien avec Paul Virilio (1995 sur la République des lettres)
Dromologie : logique de la course (1991 sur Multitudes)
Paul Virilio : "Le krach actuel représente l'accident intégral par excellence" (2009, Le Monde)
Paul Virilio : la crise actuelle est sans référence (2009, vidéo sur Utime)

La fin des journaux

La presse et les médias vivent une révolution, une rupture, un effondrement. Quand on titre "La fin des journaux" un livre écrit par le rédacteur en chef à l'Expansion, il y a péril en la demeure.

La fin des journauxUn petit livre, La fin des journaux, de Bernard Poulet, sorti cet hiver et que je viens de terminer (ah les vacances!) résume bien la situation. Si vous voulez vous mettre à jour sur la situation de la presse, en français dans le texte, je vous le conseille: il vous pointera les endroits chauds du dossier de l'heure (mais sans toutefois les approfondir).

Les tendances lourdes («montée en puissance d'Internet, migration des budgets publicitaires et des petites annonces vers les médias électroniques, désaffection du jeune public pour l'écrit, culture du tout-gratuit») que Bernard Poulet observe sont à l'origine de la " révolution en cours de la presse écrite". S'il avait lu mon dernier billet, il aurait pu dire que la presse vit une "rupture".

« Une rupture est une période où la société est en quête de sens ; il y a perte de sens parce que les idéaux qui ont animé notre culture se dérobent. » (Michel Cartier, source).

L'idéal du journalisme est mis à mal par Internet. Et son intervention cherche à réveiller principalement ses pairs, francophones, mais surtout français, qu'ils jugent trop amorphes face à la situation, alors que depuis déjà quelques années les Américains les abordent de front. Son discours résume, aujourd'hui, l'état de la question.

Peut-être est-il le temps de paniquer
C'est le titre de son premier chapitre. Il montre comment devant la "montée des périls" les journaux anglo-saxons ont réagi. Peut-être pas toujours avec succès, encore, mais avec une véritable combativité. Il déplore que les milieux de la presse française trouvent « exagérés » les coups de tocsin. Bernard Poulet illustre à grand renfort de statistiques l'hécatombe en cours.

Publicité : les journaux asphyxiés
Dans son deuxième chapitre, sous ce titre, il souligne que la «crise ne tient pas seulement à la perte d'audience. Elle résulte du découplage entre les nouvelles et la publicité» (p.32), en citant The State of News Media 2008. « La presse imprimée ne sera bientôt plus le support de base d'une campagne publicitaire » (p.46), citant cette fois-ci un vice-président d'un cabinet d'études américain. Les lecteurs ne font pas que migrer sur Internet, ils abandonnent le navire de la "consommation de news", bref ils s'informent moins.

Les annonceurs peuvent, aujourd'hui, accrocher leur pub ailleurs que sur de l'info. La «réclame», qui faisait vivre le journalisme de qualité tout en permettant de réduire le prix de vente des journaux et de rejoindre un public très large, est un modèle d'affaires cassé (p.67). Qui va "financer" le traitement des affaires de la cité? Comment les citoyens peuvent-ils faire des choix éclairés? Comment les dirigeants peuvent-ils connaître l'histoire qu'ils font? C'est là que l'auteur situe l'enjeu.

Pause
Évidemment, on pourrait répliquer, sans pour autant tomber dans le cynisme, qu'il prend pour acquis que le citoyen (1) utilise ce média pour faire des choix et (2) qu'il est de surcroît un être rationnel dans ces choix "éclairés". Je ne veux pas l'offusquer, mais au vu des "choix éclairés" que les citoyens font parfois on se demande si la presse a une influence --et je ne parle pas du fait que cette presse dérape par moment.

Mais revenons à son livre, comment financer la plus-value qu'apporte le journaliste de qualité? Je ne crois pas qu'il a lu mon blogue, mais il dit ce que je dis depuis 2004, avec d'autres, que les «nouvelles technologies façonnent une autre manière d'être au monde, un autre rapport à la connaissance et à la culture» (p.81)

Éclatement de la scène publique commune
On lira avec profit le chapitre 5 qui porte ce nom. Il aborde le mythe du journalisme d'investigation («invention» récente) et la perte d'autorité du politique, des médias et des intellectuels (sujet dont je vous entretiens ici régulièrement) ainsi que la montée du vedettariat (qui n'a pas commencé avec la blogosphère).

Il débusque avec clairvoyance l'idéologie de la «transparence» qui n'apporte pas que du bonheur. Un pouvoir qui entretient la langue de bois et le "politically correct". D'abord exigé des politiciens, il est maintenant en train de ronger les médias. La transparence délégitimise les institutions alors que la blogosphère s'en accommode bien. «C'est un changement de pouvoir» (p.191)

L'idéologie d'Internet
Dans le chapitre 8, où il parle expressément d'Internet, on aura un bon aperçu de la pensée des journalistes sur notre sujet favori. On notera tout de suite que le ton condescendant que l'on trouve d'habitude dans la presse jusqu'en 2008 (année où j'ai remarqué un changement de ton) est ici moins prétentieux. Il accompagne la quasi-totalité des intertitres d'un pont d'interrogation («le retour de l'utopie?; le triomphe démocratique? Un monde sans experts?; tous journalistes? l'intelligence des foules? Etc.) un peu pour marquer sa désapprobation critique, mais aussi pour éviter des affirmations qu'il sait à contre-courant --et avec lesquels il aura à vivre si le papier meurt).

Il reconnaît que pour survivre, il faudra affronter la bête, monter «à l'assaut du web». Les quelques pistes qu'il explore tournent autour de l'hyperlocal, du partage et de la discussion, bref de créer des liens avec les communautés.

« Si nous ne sommes pas dans les réseaux sociaux. Les lecteurs nous oublieront» (p.185). Bingo! Voilà l'avenir de l'information! Vous ai-je dit que le titre complet était "La fin des journaux et l'avenir de l'information"?
" Se connaître soi-même, c'est s'oublier. S'oublier soi-même, c'est s'ouvrir à toutes choses." Dôgen (1200-1253)

Épistémè ou mojito?

Même si c'est les vacances, on n'arrête pas de réfléchir pour autant. Petit billet les orteilles de pied en éventail.

Michel Foucault a été l'un des grands penseurs des thèmes de la discontinuité et de la linéarité dans l'histoire.

Il propose de redéfinir de ce que l’on entend par « rupture », « saut », « discontinuité » . Il faut voir ce qui nous semble « nouveau » comme un découpage de période historique entièrement construit à partir d’une lecture «discontinuiste» de l’histoire. Si l’histoire est un continuum, alors la transition d’une période à une autre ( épistémè est le terme qu'il utilise) ne serait rupture que dans la façon de concevoir les choses.

Rupture ou continuité?
On peut étendre sa réflexion et se demander si le web social, ce réseau social du web 2.0, provoque une rupture avec notre passé.

Ceux qui croient en la continuité sont en opposition avec ceux qui voient dans l'apparition d'Internet une discontinuité dans la société. Les premiers pensent que la «continuité de la société» posséderait une permanence absolue puisque la société est ce qu'elle «est» (comme on peut dire que nous sommes toujours identiques à nous-mêmes, même si nous changeons en vieillissant).

Les seconds fondent leur pensée sur une perception parfois indirecte. « Une rupture est une période où la société est en quête de sens ; il y a perte de sens parce que les idéaux qui ont animé notre culture se dérobent. [...] L'être humain vit dans un espace-temps qui façonne la conscience qu'il a de son environnement. Or, parce qu'Internet modifie cet espace-temps, il devient le miroir et le catalyseur des mutations qu'il intensifie pour le meilleur ou pour le pire. » (Michel Cartier, source dans Web Archives)

Dans le doute, accordons-nous pour dire qu'il existerait une «continuité possible dans un changement permanent». J'aime bien le syncrétisme ;-)

Voyons voir, si cela fait sens.

Twitter, Facebook, ne sont rien d'autres que la version élaborée du SMS. Les micro-messages font partie du paysage d'Internet depuis ses débuts. Le courriel est l'arrière-grand-père, toujours bien en forme, de la communication par réseau. On serait bien en peine de définir, autrement que par sa forme, la différence entre la communication via les "réseaux sociaux" comme Facebook, Myspace, etc., et les courriels. Du moins, la filiation est directe.

Anecdote. Cela fait sourire, mais le principe de Twitter, envoyer de courts messages accessibles à tous, semble bien être un besoin qui précède Internet : voir l'annonce du «Notificator» un service d'affichage de notes en public à Londres en 1935.

Qu'est-ce que Twitter, au fond? Un système de micro-messagerie ouvert, basé sur des technologies ayant déblayer le chemin, comme le IM (Instant Messaging) et le IRC (Internet Relay Chat). Sa différence tient moins à sa technologie qu'au facteur social: le rapport entre l'espace privé et l'espace public a changé. Les blogues ont pavé la voie à la culture d'ouverture. Twitter ne serait qu'un IM ouvert à tous.

Internet est utilisé comme un outil de communication horizontale (par opposition à la communication "sommet vers le bas" --top-down-- comme la télévision) basé sur une liberté de parole.

En 1909 on écrivait «Le principal usage du téléphone rural est l'usage social [...]. Le téléphone est utilisé plus souvent pour des conversations de voisinage que pour n'importe quel autre motif [...]» cité par Patrick Flichy dans Une histoire de la communication moderne, p.127

Twitter est notre bon vieux téléphone de campagne où l'on pouvait taper la ligne du rang voisin rien qu'en soulevant le combiné.

L'usage social d'un outil de communication ne nait pas avec la création de l'outil. Selon la lecture et le recul que l'on se donne, le web social ne représenterait donc pas de rupture; la continuité apparaît comme une évidence, et seuls les moyens changent. La discontinuité apportée par les réseaux sociaux ne serait pas significative par essence. On serait d'accord pour le croire.

Mais, pourtant, ces réseaux sociaux virtuels d'aujourd'hui possèdent un véritable impact qui modifie nos comportements, et offre de nouveaux rapports à l'autre et à la connaissance. Voir notamment Clay Shirky à sa conférence TED, "How social media can make history"

Il y aurait donc bien une «continuité possible dans un changement permanent». Je vous l'ai dit, j'aime bien le syncrétisme ;-) On tentera d'y répondre une autre fois... allons prendre un bon mojito maintenant...

Parole Citoyenne passe aux mains de l'INM

L’Office national du film du Canada (ONF) a annoncé le mois dernier une entente de partenariat avec l'Institut du Nouveau Monde (Michel Venne) pour qu'il reprenne les sites Parole citoyenne et CitizenShift. Premières parmi les plateformes citoyennes au Canada en 2003, l'ONF se recentre sur les valeurs sûres.

À compter du 1er septembre prochain, l’INM deviendra le principal producteur. L’ONF continuera à coproduire du contenu audiovisuel jusqu’à la fin mars 2011, mais, en clair, la filière "média citoyen" est abandonnée et l'ONF se concentre sur la création artistique filmique.

L'institut du Nouveau Monde voit ces deux site comme un modèle d’animation de la participation citoyenne en ligne. La croissance des deux sites ne rentrera plus en conflit avec la mission de l'entreprise, comme c'était le cas avec l'ONF. Le point de départ sera les Rendez-vous des Médias Citoyens le 26 août prochain.

L'INM possède deux beaux joyaux qui ne demandent qu'à prendre de l'expansion et répandre la parole citoyenne québécoise avec une plus grande portée.

J'avais participé à l'élaboration de la deuxième mouture de Parole Citoyenne en 2004. Bien avant toute autre chose, c'est là que j'ai découvert le web social...

(Source)

L'Histoire en Tweets

Lyonel Kaufmann commente mon billet Un 14 juillet 1789 sur Twitter : "Original, amusant et indirectement une bonne idée d’activité en histoire. Il serait possible d’étudier l’emploi de twitter dans un événement comme les dernières élections iraniennes puis de transposer son utilisation relativement à un événement historique. A méditer/suivre…"

En fait, c'est même une excellente idée qu'il a eue! Twitter (ou un fac-similé dans ce cas) offre tous les caractéristiques d'une histoire dynamique qui se déroule "en temps réel", tel que vu par ceux qui la vivent... Les mouvements populaires, l'activité sur le terrain, la perception de ceux qui créent l'histoire avec leurs actions offrent un excellent complément aux histoires racontées en général du point de vue "extérieur", "top-down", et "stratégique".

Ça pourrait être sous une forme de transcription finale, a posteriori. Ou alors, en temps réel sur les portables des étudiants ou sur un écran dans la classe durant une journée thématique. D'autres idées?...

(Voir aussi : 50 idées pour utiliser Twitter dans le domaine de l'éducation chez Mario Asselin)

Gratuit, copier/coller et plagiat

Oh oh, Bruno vient de m'apprendre que Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired Magazine, auteur de The Long Tail, a reconnu avoir copié plusieurs articles de Wikipédia dans son dernier livre, Free: The Future of a Radical Price.

En fait, c'est le Virginia Quarterly Review (VQR) qui a trouvé le plagiat forçant l'auteur à accuser son éditeur, Hyperion, d'avoir précipité la décision de retirer les citations (les citations dans un livre grand public, allez savoir pourquoi, est repoussoir, et les ventes s'en ressentent) à la dernière seconde. (info débusquée sur NowPublic). Les allégations de palgiat font références à du contenu copié sur Wikipédia (anglais), faute de frappe incluse (selon Silicon.fr qui cite The Guardian).

1- L'ironie, premièrement, consiste à copier une encyclopédie gratuite pour écrire un livre qui fait l'apologie du gratuit comme nouveau modèle d'affaires. Le titre au long est : Free: The Future of a Radical Price: The Economics of Abundance and Why Zero Pricing Is Changing the Face of Business. Plagier est pourtant vieux comme le monde (m'enfin vieux comme Gutenberg).

2- Seconde pensée embarrassante, est-il plus honteux de citer Wikipédia comme une source, ou l'utiliser Wikipédia comme source, comme le souligne un commentateur sur Gawker, cité par Carolyn Kellogg sur le blog Jacket Copy du Los Angeles Times.

3- Troisième réflexion cynique: Wikipédia est la source de référence informelle pour nombre de personnes. Grâce à Anderson, on peut maintenant le citer, via son livre, de façon formelle.

Ce qui est intéressant, quand on regarde les passages copiés (images sur l'article de VQR), c'est de voir la façon de travailler d'Anderson. Il prend un bout de texte, et, à la façon des moines copistes sur les palimpsestes, réécrit par-dessus, enlevant ici et là quelques mots, reformulant ou précisant le sens. (C'est le travail de certains journalistes qui recopient des communiqués de presse -quand ils ne copient pas tout entièrement sans rien changer).

Or, c'est la façon que les rédacteurs de Wikipeédia utilisent pour "améliorer" un texte. Ils réécrivent par dessus un texte existant pour l'améliorer. C'est ce que Anderson a fait. Mais cette version est dans son livre et non sur le site.

Cette méthode "de réécriture à la wiki" est une stratégie très intéressante et il ne faut pas voir cet incident comme isolé. Il permet rapidement de créer du texte comme un artiste pétrie sa glaise. Il permet aussi de reconnaître que certaines pensées se construisent toujours à partir d'une autre. Quoique, dans le cas des passages plagiés, ce ne sont pas des arguments centrales à la pensée du livre.

Notons aussi que le copier-coller ne me semble porter la même marque du Mal qu'avant. Avant l'ordinateur. Avant, on "recopiait", entièrement à la main des morceaux de texte et il était plus difficile de dire, oups, "j'ai oublié de citer". Un copier-coller aujourd'hui est si vite intercalé dans un texte électronique qu'il difficile, surtout sans les précautions de base, de le mélanger avec son propre texte...

Et on devra, tôt ou tard, aussi, crever l'abcès de Wikipédia comme étant persona non grata de la citation...
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Chris Anderson, page sur fr.Wikopedia
Wired Magazine, page sur fr.Wikopedia
Free, livre sur Amazon.com

Pour aller plus loin
(PDF) Les actes du colloque « Copié - collé… » Former à l’utilisation critique et responsable de l’information (débusqué par Éric Delcroix). Particulièrement pour le document de Rachid Safi "Le plagiat à l'heure d'internet (p154) ou il dit "le plagiat est nécessaire, le progrès l'impose" et "Le plagiat n’est pas une fatalité ni une nature humaine, mais une construction sociale et historique"
(PDF) Les usages d’Internet dans l’enseignement supérieur : « De la documentation… au plagiat » où on dit "3 étudiants sur 4 (77 %) déclarent avoir recours au “copier-coller”"

un 14 juillet 1789 sur Twitter

Tiens, petit aparté, je me demande à quoi ressemblerait la Révolution française si elle avait été gazouillée aujourd'hui:

Gazouillis de la patrie, ton post de gloire est arrivé!

marcel_1764:
#versailles on percoit des troupes royales dans la capital (9:27 AM 13 Juillet 1789 from TweetDeck)
VersaillesBoy: RT @marcel_1764 #versailles on percoit des troupes royales dans la capital (9:28 AM 13 Juillet 1789 from Tweetkit)
ML19: On dit que des députés sont aux arrêts (10:02 AM 13 Juillet 1789 from Twitter)
marcel_1764: RT @ML19 On dit que des députés sont aux arrêts (10:12 AM 13 Juillet 1789 from Tweetdeck)
VersaillesBoy: @marcel_1764 confirme que des députés sont aux arrêts (10:13 AM 13 Juillet 1789 from Tweetkit)
Rolande: RT @ VersaillesBoy @marcel_1764 confirme que des députés sont aux arrêts (10:29 AM 13 Juillet 1789 from m.slandr.net)
Ale70: RT @Rolande RT @ VersaillesBoy @marcel_1764 confirmé! députés aux arrêts (10:36 AM 13 Juillet 1789 from Nambu)
marseilles30: RT ale70 RT @Rolande RT @ VersaillesBoy @marcel_1764 confirmé! dép. arrêtés! cé la #revolution (10:36 AM 13 Juillet 1789 from seesmic)
(...)

Le lendemain

marseilles30: RT @VLR RT @ML19 Foule devant l'hôtel de ville #revolution (08:56 AM 14 Juillet 1789 from seesmic)
marchant: devant l'hôtel. on est plusieurs. pas content, pas content #revolution (08:59 AM 14 Juillet 1789 from iphone)
mimi: La #revolution sera twitterisé ou ne sera pas. La foule ici est impatiente (09:59 AM 14 Juillet 1789 from iphone)
garant: @mimi où es-tu? je suis devant l'aile gauche #revolution (09:01 AM 14 Juillet 1789 from iphone)
denteur54: La porte s'ouvre, la porte s'ouvre #revolution (09:01 AM 14 Juillet 1789 from iphone)
René: @mimi ils prennent les fusils. partout. confusion #revolution (09:02 AM 14 Juillet 1789 from iphone)
Émergeant089: ils semblent que la foule est entrée. confusion selon @rené #revolution (09:03 AM 14 Juillet 1789 from seesmic)
René: À la #Bastille! à la Bastille #revolution (09:34 AM 14 Juillet 1789 from iphone)
Émergeant089: RT @René: À la #Bastille! à la Bastille #revolution (09:35 AM 14 Juillet 1789 from seesmic)
Émergeant089: Bastille sur google map bit.ly/234rte #revolution (09:36 AM 14 Juillet 1789 rom seesmic)
Émergeant089: Qui peut me confirmer ce qui se passe sur le terrain? #revolution (09:39 AM 14 Juillet 1789 from seesmic)
Émergeant089: @georgesW oui, ça barde à #paris on dirait. Suis le canal #revolution (09:41 AM 14 Juillet 1789 from seesmic)
Louisard: arrêtez d'utiliser le RT sur #revolution si ce n'est pas important (09:41 AM 14 Juillet 1789 from iphone)

Quelques heures plus tard

GardeDS: puisante garnison à la #bastille. la foule est dispersée (11:41 AM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Émergeant089: RT @GardeDS puisante garnison à la #bastille. la foule est dispersée #bastille #revolution (11:41 AM 14 Juillet 1789 from Seesmic)
René: Qu'est ce que vous racontez?! il n'y a que 82 vétérans invalides et 32 soldats suisses ici! #bastille #revolution (11:42 AM 14 Juillet 1789 from iphone)
Marveric69: SEO Obtenez la première place sur Google #revolution (11:47 AM 14 Juillet 1789 from tweeter)
GardesDS: le gouverneur retrace ceux qui RT la #revolution (11:59 AM 14 Juillet 1789 from Twitter)
momo: changez votre location pour Paris RT SVP (12:01 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
marchant: Mais arrêtez d'occuper #bastille #revolution. On est un millier, ils seulement 100 on devrait pouvoir rentrer (12:02 PM 14 Juillet 1789 from iphone)
deLaunay: Je reçois trois délégués. Retournez chez vous #bastille #viveleroi (12:30 PM 14 Juillet 1789 from Tweeter)
Marveric69: SEO Obtenez la première place sur Google #revolution (12:32 PM 14 Juillet 1789 from tweeter)
GardeDS: confirmé! puisante garnison à la #bastille. la foule est dispersée #revolution #viveleroi(12:45 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Émergeant089: @gardeDS confirmé! puisante garnison à la #bastille. la foule est dispersée #revolution #viveleroi (12:45 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Gedeon: la foule attend après le marquis @deLaunay. S'engage à ne pas tirer (12:54 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Mikel: Not sure what's going on in #bastille on #revolution. Is it about #Paris Hilton anyway?(12:59 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Merce: #TF1Fail les médias trad ne parlent pas de la #revolution.Ça fait 15 minutes! réveillez-vous! (12:59 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)

Plus tard...

René: Il y a eu une explosion ici. Trahison! #bastille #revolution (02:12 PM 14 Juillet 1789 from iphone)
Émergence089: Pas sûr de savoir ce qui se passe à la #bastille. Qui peut confirmer #revolution #viveleroi (02:13 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Marveric69: SEO Obtenez la première place sur Google #revolution #bastille #viveleroi (02:14 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
GardeDS: Tout est calme à la #bastille. la foule est dispersée (02:15 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
René: Arrêtez vos conneries ! il y a une #revolution ici #bastille (02:16 PM 14 Juillet 1789 rom iphone)
Jonny: Michael Jackson is dead. No confirnation yet. see TMZ #MJDeath it will be a #revolution (02:30 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Minnie: Oh MY! RT @Jonny Michael Jackson is dead. No confirnation yet. see TMZ #MJDeath it will be a #revolution (02:30 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Lasswell: RT @Minnie Oh MY! RT @Minnie Michael Jackson is dead. No confirnation yet. see TMZ #MJDeath it will be a #revolution (02:30 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
bendy: RT @Minnie Oh MY! RT #Michael Jackson is dead. No confirnation yet. see TMZ #MJDeath it will be a #revolution (02:30 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Wallace61: RT @Minnie Oh MY! RT #Michael Jackson is dead. No confirnation yet. see TMZ #MJDeath it will be a #revolution (02:30 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
JackiB : confirmed #Michael Jackson is dead. See Hollywood Scoop net .#MJdeath #revolution (02:40 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
René: mais bon sang liberez #revolution (13:42 14 Juillet from iphone)
Gasp: RT @Minnie Oh MY! RT #Michael Jackson is dead. No confirnation yet. see TMZ #MJDeath it will be a #revolution (02:40 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Mormon39: RT @Minnie Oh MY! RTJackB #Michael Jackson is dead. No confirnation yet. see TMZ #MJDeath it will be a #revolution (02:41 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
JaneDot: confirmed #Michael is dead. See Hollywood Scoop net .#MJdeath #revolution (02:41 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
deLaunay: Tout est revenu à l'ordre, bonnes gens. retournez à vos chaumière #revolution #viveleroi (02:42 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)
Émergeant089: #revolution est un hoax lire Wikipedia bit.ly/12hf0 (03:03 PM 14 Juillet 1789 from seesmic)
Marveric69: SEO Obtenez la première place sur Google #MJdeath (03:04 PM 14 Juillet 1789 from Twitter)

En un mot, pour paraphraser Saint-Just. "Tweeter ! ce mot renferme toute la politique de notre révolution"

Joost est moort?

Joost, la télé pair-à-pair (P2P) quitte les ondes. Joost avait l'ambitieux projet de proposer aux éditeurs télé de s'affranchir de la grille horaire. Et de faire évoluer le spectateur en télénaute. Le court (Youtube) et le catch-up TV (Hulu) ont eu raison de cette bonne idée. (via Numerama)

Joost est moort?La technologie P2P utilisée par Joost demande aux utilisateurs l'installation d'un logiciel sur leur ordinateur. Alors que YouTube, Dailymotion et Hulu offrent du contenu vidéo directement sur le navigateur, et exportable sur les blogues et les réseaux sociaux, Joost, dans un format propriétaire, fermé et sans possibilité de faire du viral, souffre du web 2.0.

"Pour économiser en frais de bande passante, Joost devait reprendre la technologie P2P (...) pour que les vidéos soient distribuées par les spectateurs entre eux, et non plus uniquement servies par un serveur central. Joost promettait en outre aux studios de télévision et de cinéma de protéger leurs contenus avec un système de chiffrage emprunté à celui de Skype, qui devait rendre les contenus très difficiles à copier." (source)

Qualité en manque de quantité
Joost offrait une des plus belles interfaces utilisateurs et une grande qualité dans la transmission. Mais la quantité de contenus n'arrivaient pas à la cheville de ses compétiteurs, malgré une certaine qualité de contenu (vidéo professionnel entre 20 minutes et 1 heure) et Joost n'a jamais trouvé son public. Dommage.

La compagnie avait tenté un passage au tout-web, délaissant son logiciel. Mais le mal était fait. En avril, Sony décide de ne pas renouveler sa licence avec Joost (et se concentre sur Youtube et Hulu) (source CNET), puis Joost tente de se vendre au cablo (source CNET), puis il décide de convertirer en white label en offrant sa plateforme aux compagnies qui cherchent à diffuser de la vidéo sur Internet (Source Znet.fr).

«Hulu m'a tuer»
Avec l'arrivée de TF1 qui propose du catch-up TV (source Giiks), comme Channel 4 (source WebTVwire) et les succès du iPlayer de la BBC et du iView de ABC, la possibilité de consommer du contenu télé en dehors de l'antenne devient une soupape pour les télés. Ils peuvent rattraper une partie de l'auditoire qui migre en ligne. Mais le "rattrapage" se fait sur l'antenne qui l'a émise, agissant ainsi comme un paratonnerre: les télédiffuseurs conservent donc leur "aura" en ligne.

Catch me if you can
S'il y a des télés qui hésitent encore à faire le saut, il est peut-être bon de leur rappeler que commencer par une ou deux émissions populaires leur permettra de sa familiariser avec la diffusion "en longue traîne" et de créer lentement une série de données sur la demi-vie des émissions en ligne (la popularité décroît rapidement avec le temps), afin de planifier l'infrastructure technologique en conséquence et le type de fonctionnalités nécessaires pour conserver l'usager sur le site...