ZEROSECONDE.COM: 2013 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

La pire invention 2013: la balistique assistée par ordinateur

Voilà une arme qui possède une différence majeure avec les autres : quand vous appuyez sur la gâchette, elle ne tire pas tout de suite. 

C’est le fusil qui décide du moment idéal pour tirer, en prenant en compte plusieurs paramètres, comme le vent, le mouvement et la distance de la cible.


Équipée d’un laser (pour évaluer les distances) et d’un ordinateur balistique (pour effectuer les calculs) cette "arme intelligente" peut faire mouche à tout coup à plus de 600 mètres.

Le tireur appuie sur un bouton, le laser « marque » la cible et la balle ne part que lorsque les conditions pour l’atteindre sont réunies.

Même un novice devient un tireur d’élite après seulement quelques heures d’entraînement.

La "balistique assistée par ordinateur" fait froid dans le dos. 2013 aura été une année, encore fois, qui a fait basculer la technologie un peu plus du côté sombre.


« Think of it like a smart rifle. You have a smart car; you got a smartphone; well, now we have a smart rifle, » (source)
  • L’arme possède un moniteur qui affiche des informations, comme la distance de la cible, la vitesse du vent, l’angle d’inclinaison du canon, une boussole et le niveau des piles. 
  • L’arme est munie de WiFi et d’une prise USB. Il est possible de capturer une vidéo et de l’envoyer en temps réel à une tablette à proximité. Puis ensuite sur Twitter, Facebook, YouTube. 
Un mot de passe permet d'empêcher l’accès aux fonctionnalités balistiques avancées à une personne non autorisée – il faut bien justifier l’expression "smart rifle".


Encore hors de prix (22K$ en début d'année 2013), il ne fait pas de doute que c'est une question de temps avant que le prix de la technologie devienne plus abordable.

Changement de cycle [2] / Élites? Quelles élites?


Depuis que les médias sociaux ont retiré la conversion de la blogosphère, je me désole de voir certains débats tomber dans l'oubli, comme les larmes dans la pluieCe billet essaye d'en rescaper l'un d'entre eux. 

Quand le Monde du 26 décembre dernier titrait  «Élites débordées par le numérique», je n'ai pas hésité à extraire quelques lignes pour relancer l'idée qu'on ne peut pas entrer dans ce nouveau tournant historique sans avoir un plan (voir Changement de cycle / Élites hors circuit numérique).

Besoin de précisions

La notion de plan numérique n'est pas encore un concept stable, clair et précis. Je vois que deux idées doivent être développées davantage.

(1) La nature même du sens du vocable «numérique» et
(2) la définition de ce que pourraient en être les biens communs dans le numérique (si cela existe).

De ça découle, ensuite seulement, (3) une possible définition de ce que peut être finalement un plan numérique.

D'ici là, on peut commencer à lire Michel Cartier qui a bien amorcé la réflexion: Le 21e siècle numérique expliqué à nos petits-enfants.


Sur Facebook, des commentaires m'ont été adressés pour m'empêcher de penser en rond.


De quelle élite parlons-nous?

Le débat s'enclenche rapidement sur l'attribution du terme "élite numérique": les faiseurs ou les parleurs?
- Heri Rakotomalala :  Une meilleure comparaison aux élites numériques sont les industriels du 19ème siècle avec leurs machines à vapeur, centrales à charbon et chemins de fer. Sergei brin c est plus un Rockefeller qu'un Voltaire. [...] Sergey Brin, Rockfeller, Mark Zuckerberg, Jeff Bezos etc. n'ont jamais eu aucune politique publique et n'ont jamais prétendu en avoir une. Ils sont des élites numériques en terme d'empire mais n'ont (et ne veulent) aucun impact social ou politique. Tout au contraire, les élites numériques sont sources d'immobilisme social. Demander à un entrepreneur tech d'aller manifester ou d'être engagé (ie avoir une opinion controversée et l affirmer publiquement), il dira non. La même chose pour Rockefeller et autres barons du 19ème.
Ce qu'Heri déplore, c'est la place qu'on peut laisser à des "élites numériques" qui ne font rien avancer de concret. Les entrepreneurs sont les véritables élites! : «[ils] ne cherchent pas à changer la société, ils cherchent à l'accélérer.» !
Francis Gosselin : [...] Croire que Brin, Zuckerberg ou Rockefeller n'ont eu "aucun impact social ou politique" et ne cherchent pas à en avoir [ne tiens pas la route]. [Francis ne pense pas qu'il faille] penser le monde comme s'il se limitait à une poignée d'entrepreneurs, [...] parions qu'entre les fondateurs de quelques startup du moment et Voltaire, c'est des philosophes dont on se rappellera encore dans 200 ans...
Je résume, bien sûr, mais savoir qui est un leader de la révolution n'est pas une mince tâche. Pas de leader identifié, pas de plan possible! D'où un besoin de définir les termes pour bien voir qui a (aura) de la pertinence maintenant (plus tard). Mais closons le débat pour l'instant:
Francis Gosselin : [...] face au jugement de l'histoire, ces accumulations incongrues de dollars basés sur d'insipides proto-monopoles, extirpés par des rentes, ne feront pas long feu. 
Sylvain Carle : Je dois dire que cette dichotomie penseurs/faiseurs est exactement le contraire de ce qu'il nous faut, comme je le disais vendredi dernier en citant Schulze: "No one cares what you do unless you think about it and no one cares what you think unless you do it."
De quel plan parlons-nous?

Le débat se poursuit sur un autre front ensuite.

Sylvain Carle, de passage aux Matinées Créatives ce mois-ci, comme nous le rappelle Francis,  a dit que les «traditions se construisent sur des décennies, voire des centenaires, et il y a peu de choses qu'une intervention top-down puisse faire pour y remédier» (sinon des crédits d'impôt très généreux, souligne Francis).
Francis Gosselin : [...] Quant à la notion, Martin, qu'il faille un "plan numérique", je récuse toutefois que ce soit d'intervention publique dont il soit ici question. [...] Tu focalises beaucoup sur les grands joueurs (aux pieds d'argile, si tu veux mon avis), en oubliant qu'il y a plusieurs leaders mondiaux au Québec [LP Maurice avec Busbud, Gesca avec La Presse+, Ubisoft Montréal et Louise Guay avec ce qui était son mannequin virtuel]. Il faut admettre que le numérique, comme toute innovation qui comme tu l'exiges soit d'ordre "planétaire", est marqué par une distribution relativement stochastique de ses gagnants avec de forts effets de "winner-takes-all". qui plus est, le pôle Californien attire ces gagnants en raison des nombreuses externalités de réseau perçues par ceux-ci, et ça, nul "plan numérique" ne pourra y pallier. 
À cette question pertinente, que peut faire un "plan numérique" face à ces forces implacables en présence? je réponds:

S'il est vrai qu'un plan "top-down", genre deus ex machina, qui s'apparenterait à une loi qui annulerait la gravité, on peut faire une croix là-dessus. L'attraction de la Silicon Valley est là pour durer. Mais là où un plan top-down, à l'échelle d'une nation, comme le Québec, est souhaitable, c'est au niveau du bien commun.

Ce qui fait un "bien commun" dans le monde numérique reste entièrement à définir. Je ne crois pas qu'il faille "laisser le marché décider seul". Il faut un contrepoids. À la révolution industrielle, les ressources naturelles sont devenues des biens communs (mal gérés parfois). Aujourd'hui, ce plan peut baliser les limites qui conservent la dignité des citoyens ou la richesse d'une nation.

Ex: données ouvertes, accès Internet, vie privée, neutralité du net, ressources cognitives, etc.

À qui ça s'adresse?

Dans les commentaires de mon précédent billet, José Plamondon ajoute:
Josée Plamondon: En cours de mandats auprès de PME (industriel et services), j'ai réalisé que le "numérique" dont on parle ici est à des années-lumières de la réalité de plus de 98% des acteurs de notre économie. Des entreprises pour lesquelles l'informatisation n'a pas apporté de solution à un problème fondamental : l'accès à de l'information pertinente, au bon moment pour prendre la meilleure décision possible. Un problème qui sévit également au sein des administrations publiques.
Les organisations qui ont pris leur place dans la nouvelle économie sont celles qui valorisent (au sens "capitalisation") l'information. Celles qui investissent uniquement dans les stratégies et les systèmes ont préféré l'apparente facilité de la mutation numérique à la transformation radicale de la culture de l'information.
Ce constat (l'informatisation n'a pas apporté de solution à un problème fondamental : l'accès à de l'information pertinente, au bon moment pour prendre la meilleure décision possible) se traduit pour moi ainsi: le numérique n'est que du bruit. La logique sous-jacente ne serait que pure stratégie aléatoire. Ça me semble grave.

Des liens pour penser plus loin

Via Jon Husband

Beyond the Information Revolution, de Peter Druckeroct, The Atlantic, octobre 1999
www.21siecle.com, les synthèses de M. Cartier sur la technologie, l'économie et la société et aussi nouveaumonde2.com

Via Sylvain Carle

What peer progressives really believe, de Steven Berlin Johnson
Present Shock, de Douglas Rushkoff
Where Wizards Stay Up Late: The Origins Of The Internet, de Katie Hafner et Matthew Lyon
The Wealth of Networks: How Social Production Transforms Markets and Freedom, de Yochai Benkler
blog.p2pfoundation.net, son blogue incontournable pour penser "internet et société"

Pour mémoire: 

La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont déposé leur plan numérique. L’Europe, comme un tout, s’est dotée aussi d’une stratégie numérique. Des villes comme New York ne sont pas en reste. Même le sénat canadien possède un rapport sur la question.

#planQc

Changement de cycle / Élites hors circuit numérique


Après l’agriculture et l’industrialisation, nous sommes dans la troisième grande révolution que l’humanité a connue, pour reprendre le titre du livre de Toffler. 


Dans le Monde d'aujourd'hui (26 déc 2013): à propos des «élites débordées par le numérique»:

 « A la différence du XVIIIe siècle, où Voltaire et Rousseau (fait prisonnier pour l’un, conspué par le système pour l’autre) étaient très connectés et ont produit des thèses qui ont eu un écho dans la société, les livres équivalents sur l’époque actuelle ne sont pas encore sortis. Cela va sûrement passer par les réseaux sociaux, qui vont produire ce qui est invisible aux yeux des élites. De là surgiront les intellectuels qui vont donner des mots au monde qui vient. »

Pour sa part, Lyonel Kaufmann, dans son blogue, relève plutôt dans un autre article du Monde (« L’écart entre gouvernants et gouvernés atteint un maximum »), que:

« [Les] liens numériques massifs entre citoyens internautes donnent l’impression que la volonté collective de faire société est davantage assumée par les gens ordinaires que par les élites, qui sont proprement débordées. (...) Le mot qui rend le plus objectivement compte de la situation est bien celui d’« oligarchie » : le gouvernement d’un petit nombre dont les autres doutent qu’ils soient les meilleurs (par opposition à l’aristocratie). [...] On peut imaginer que l’essor mondial d’une société numérique va servir de contre-pouvoir. C’est en tout cas une réalité sur laquelle les élites risquent fort de se casser le nez.»

Le numérique est bien plus que le simple écoulement de marchandises informatiques en ligne durant le temps des fêtes.

Il y a un ministère pour l’agriculture et il y a un ministère pour l’industrie, tous deux chargés de la politique adaptée aux deux premières grandes révolutions de l'humanité.

Et la troisième révolution en cours?

Les nations qui ne négocient pas bien leur entrée dans le numérique se verront colonisées par les forces qui sauront dominantes dans le numérique.

« Il suffit de se rappeler le sort de la Chine au 19e siècle. Cette nation, jusqu’alors de loin la plus riche et la plus puissante, refusa l’industrialisation : elle devint bientôt une proie pour les pays industrialisés », rappelle l’économiste français Michel Volle.

Ne prenons que trois exemples :
  1. Où les tablettes que vos concitoyens vont acheter en masse durant le temps des fêtes ont-elles été imaginées, designées, conçues?
  2. Qui prend son pourcentage quand les créateurs de chez vous déposent livres, films, applications sur une plateforme numérique?
  3. Qui harnache et profite de notre présence en ligne, de nos likes, de nos commentaires, de nos humeurs? En d’autres termes, essayez de voir, pour votre coin de pays, qui possède les leviers de cette nouvelle économie et vous saurez qui dominera demain...
#planQc

Suite: Changement de cycle [2] / Élites? Quelles élites?

Snoobe, le sélecteur de plan mobile, disponible

« Saviez-vous que 75 % des consommateurs utilisent un mauvais plan de téléphonie mobile? » Signé : le Robin des Bois du sans-fil. 

Ce Robin, c’est Snoobe, une application mobile qui vous veut du bien. il vous aider à sélectionner le meilleur forfait pour votre téléphone Android (désolé, utilisateurs d’iPhone, sera pour une prochaine version).


À partir de données réelles d’utilisation (téléchargements, appels entrants et sortants, durée des appels, interurbains, etc.), Snoobe est en mesure de recommander les meilleurs plans dans votre zone de résidence.

Derrière Snoobe, il y a Thierry Maréchal, son cofondateur et chef de la direction, que j'ai rencontré hier lors d'un webinaire sur les données ouvertes (je vous ferai un billet bientôt là-dessus, d'ici là, la vidéo est ici) et Stéphane Rainville, aussi cofondateur et chef de la technologie

« Quand j’ai changé de forfait, j’ai fait une économie de 30 $ par mois. Mais depuis combien de temps est-ce que je payais 30 $ de trop? J’aurais bien aimé que mon opérateur m’en avertisse! » 

Il n'en fallait pas plus pour Thierry pour démarrer sa startup. L'application ne vous demande pas de rentrer un tas d'information. Il est un vrai agent qui s'en occupe pour vous.

Sur le mobile, je ne crois pas qu'il y a de concurrents encore.

Vous pouvez en profiter: la version publique sort sur le Play Store à l'instant même, à 13h13, le 13 décembre 2013.  (J'aime les gens "concept".)

Snoobe, il me semble, rendra plus fluide le marché des forfaits mobiles, avec d’un côté des clients soucieux de ne pas gaspiller leur argent et, de l’autre, des opérateurs qui ont intérêt à proposer des forfaits mieux adaptés aux besoins de leurs clients, afin de ne pas les perdre.

Cette application crée donc, ex nihilo, un marché gagnant-gagnant! (en forçant bien sûr un peu la main aux shérifs-opérateurs, car c'est ça le rôle d’un "Robin des forfaits" : défendre ses joyeux compagnons de la forêt Mobilewood!).

Loïc Le Meur: «Les 10 prochaines années vont être encore plus incroyables»

Petite vidéo du dimanche. Un entretien avec le fondateur de LeWeb, la plus grande conférence techno d'Europe. 



Si vous avez trouvé les 10 dernières années bouleversantes, les 10 prochaines le seront encore davantage. Internet a surtout bouleversé les communications jusqu'à maintenant. Maintenant que l'information est numérique, tout ce qui s'appuie sur l'information pour fonctionner sera potentiellement affecté.

La vidéo est courte et agréable à écouter. Bien sûr, toute prospective est un risque, mais ce que Loïc raconte correspond au Zeitgeist du domaine en ce moment. Et ça exprime bien l'effervescence actuelle en technologie.

Je suis bien d'accord pour dire qu'on n'a encore rien vu...

 
"Les 10 prochaines années vont être incroyables" par FranceInfo

[M2 #9] Collaborer en réseau: mythe et réalité (avec R. Barondeau)

Comprendre la collaboration, c'est comprendre la complexité des sociétés modernes

Neuvième balado de M2. Régis Barondeau a mille chapeaux: consultant/conférencier/formateur Web et médias sociaux, spécialiste wiki et étudiant au doctorat. Le thème de sa recherche s'articule autour des critiques, des justifications et des perspectives de la "collaboration wiki". Justement! Ça nous intrigue!



«Ah! Parce qu'il y a une différence entre compliqué et complexe? --Oui, et ce n'est pas simple»

Un des grands mythes de la Silicon Valley, c'est que tout le monde collabore et est connecté en ligne. Rien de plus faux. Ils sont aussi beaucoup en face à face. Quelle est encore la place du face-à-face à l'ère des réseaux? Quel est le statut de la collaboration  distance? Le numérique facilite-t-il la collaboration, oui ou non?

Régis Barondeau voit bien tous ces espaces de co-travail, ces pépinières de startups, ces cafés où ces gens ne sont pas seuls et mais collaborent à distance à travers les nouveaux outils numériques. Pourquoi collaborent-ils ainsi? Comment font-ils vraiment?

Il faut distinguer, nous dit-il, ce qu'est la collaboration, la coordination ou et la coopération. Pour ça, il faut comprendre la différence entre le compliqué et le complexe. Bienvenu dans le monde de la "collaboration wiki" et des "organisations holographique"!

Source: Modélisation de l'organisation apprenante. Page 94 in  Morgan, Gareth. 2006. Images de l'organisation, 2e édition. Saint Nicolas: Les Presses de l'Université Laval, xvii,  495 p.  (via Regisbarondeau.com)
Les conclusions de son travail de maîtrise avaient montré que le wiki simplifie la coordination et permet de composer avec le complexe. Le courriel ou les autres outils antérieurs n'ont plus lieu d'être. Mais ce qu'on gagne d'un côté, on le perd de l'autre. Alors? Le numérique? Collabore-t-on vraiment mieux avec? Nous avons rencontré Régis Barondeau chez lui pour en discuter.


Note: Dans la balado, nous faisons référence à ce tableau tiré de Wikinomics (via Regisbarondeau.com), que je décris comme un slinky emmêlé (à cause de la partie de gauche).

Notes du lendemain:

Le site de Régis Barondeau est ici: regisbarondeau.com

Francis Gosselin, m'a signalé des billets complémentaires au sujet abordé ici. On fait nos balados pour des gens comme lui! La série de billet se trouve sur son blog et a été écrit par Ludvig Bellehumeur:

[F. And Co.] «Cooperation and competition: in search of clarity»

- Part I: Words, words, words.
- Part II: Competition, the economist’s fetish
- Part III: Cooperation, or how to have a good time together

Et sur le thème de la complexité, son collègue Louis-félix Binette, non moins intéressant, a écrit sur Génération Inc: La complexité en affaires, c’est quoi?

Avez-vous des suggestions? Commentez plus bas!

Pour écouter cette balado

Allez sur iTunes pour vous abonner à toute la série M2.

Pour écouter juste cette émission: M2 #9 :: Collaborer en réseau: mythe et réalité (Régis Barondeau)

Cette émission vous est proposée par Martin Girard et moi-même. Plus d'info.

Qu'est-ce que M2?

M2, c'est M au carré, car nous nous sommes deux Martin derrière la réalisation de cette balado. M, aussi pour mutation. Mutation au carré, car le numérique accélère comme jamais les changements en société.

M2 se veut des conversations autour des métamorphoses apportées par les technologies numériques. Cette baladodiffusion est un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique avec des gens qui pensent le numérique.

Abonnez-vous sur iTunes ou directement sur le fil XML (feedburner) de l'émission,

Pour accéder à tous les billets qui touchent la balado M2, cliquer ici

L'après culture numérique

L'émergence de la culture numérique issue du web nous a fait prendre conscience que, jusqu'ici, ce que nous appelions la "culture" était en fait la "culture du livre".

C'est ce qui explique une certaine crainte (et même une crainte certaine) de la part de gens, surtout éduqués, face au numérique.

Serge Tisseron, directeur de recherche à l’Université Nanterre-Paris Ouest, invité à une émission de Place de la Toile en mars dernier sur le sujet de la « Culture du live et de la culture des écrans » explique pourquoi il en est ainsi.

«Depuis la révolution de l'imprimerie, nous vivions dans la culture du livre comme les poissons dans l'eau, c'est-à-dire en ignorant qu'il y a d'autres espèces qui vivent autrement, qui respirent l'oxygène de l'air. La culture numérique a propulsé à l'avant-plan la culture de l'écran."


La culture est l'écran!

Si on définit la culture comme un ensemble de savoirs, de croyances et d'habitudes acquises en société, on doit accepter que la culture numérique soit une culture comme les autres. (Je vous vois lever les yeux au ciel --Oui, je sais, je sais, il faut mettre les points sur les i)

Mais si on entend culture comme le développement intellectuelle par l'apprentissage des arts, de la littérature et des sciences, comme on se l'imagine aux Lumières, le numérique ne peut être une culture, car elle est un procédé qui nous rend servile et nous restreint dans la compréhension du monde. (je vous vois avec des points d'interrogation dans les yeux -- Oui, si "code is law", le réseau ne nous rendrait pas si libre après tout)

Pour être plus précis, si on l'enttend de cette deuxième façon, il est possible de ne pas voir dans le numérique une culture.


Manifeste numérique

Circule en ce moment, un « énoncé d’intention sur la production culturelle numérique et interactive québécoise » (Le manifeste des nouvelles écritures) qui se veut un plaidoyer pour soutenir une création interactive: elle n’est pas une déclinaison d’une autre forme d’expression et a une démarche qui lui est propre.
«L’industrie de l’interactivité est une industrie culturelle. Ses créateurs ne sont pas des fournisseurs de service. C’est par une pratique appuyée qu’émerge une culture d’auteurs.»
À moins de voir le beau webdoc Fort McMoney, un « jeu documentaire » accessible en ligne depuis lundi, comme une machine pour assouvir nos besoins et nous empêcher de nous élever, force est de constater que la culture s'exprime aussi par le numérique.

L’auteur, David Dufresne, nous fait parcourir une ville, Fort McMurray, à la rencontre de personnages et de lieux qui alimenteront votre réflexion sur l’environnement, l’industrie pétrolière et les conditions sociales qui sous-tendent tout ça. (lire mon billet sur Triplex: « Est-ce un jeu? Est-ce un docu? Non, c’est Fort McMoney! »)


Le sujet n'est ni nouveau ni sous les radar des médias. Mais est-ce que, après voir investi 870 K$, verrons-nous «l'interactivité changer quelque chose dans la façon de rejoindre le public et de l'impliquer»?, demande Dominique Willieme, le producteur de l'ONF qui est derrière le projet avec ARTE, cité dans le New York Times il y a quelques instants.

La question n'est pas anodine. «L’acte de diffusion fait partie du geste de création» dit le point 7 du manifeste.

Quel public sera au rendez-vous? Quel impact aura-t-il sur la perception de la culture numérique? Les plus heideggeriens d'entre vous, s'il en existe encore, n'accepteront pas que la cybernétique puisse "créer". Au mieux, Fort McMoney n'est que l'assemblage d'autres arts et la somme des parties ne fait pas naître un tout supérieur.

Pour eux, seul le livre compte, le reste n'est que "régression intellectuelle". Mais, sérieusement, ils sont aujourd'hui dans une position minoritaire. Il est loin mon dernier billet sur le dernier de ces hommes et leur vision de "l'épidémie blogueuse".

Il leur faudra apprivoiser l'idée que l'auteur fait de son audience un flux parmi d'autres flux (c'est l'aspect jeu de Fort McMoney où nos décisions ont une influence sur le déroulement). Cette oeuvre ne relève pas de la logique auctoriale traditionnelle, mais d'une logique de relation qui relient le spectateur/acteur avec les interviewés/acteurs.

Le numérique peut aussi offrir un temps à la méditation. Il faut juste troquer les promenades dans le bois (les Holzwege d'Heidegger) pour une séance de navigation en ligne.



Qui dépassera la culture numérique?

McLuhan disait:
« La télévision ne sera pas comprise avant d’être dépassée par un nouveau média. Quand survient la désuétude, tout média devient une forme d’art, et c’est à ce moment-là qu’il est possible de s’en servir. Le média cinéma et le média photographie sont mieux compris depuis l’apparition de la télévision. » (cité par Jean PARÉ. Conversations avec McLuhan, 1966-1973. Éditions du Boréal, via le blogue du Fonds des Médias)
Si on pousse l'idée, on peut dire que la télévision, qui vit avec ses séries (surtout américaines) son âge d'or, se voit conférer maintenant un aura artistique, une reconnaissance culturelle si longtemps refusée, parce que derrière elle poussent les nouveaux contenus numériques qui devront, maintenant, commencer leur traversée du désert.

Faudra-t-il attendre que la culture numérique se fasse dépasser pour qu'on la reconnaisse? Le penser, c'est penser ce qui vient ensuite.

Télékinésie assistée par ordinateur

C'est le genre de démo qui nous font émerveiller devant la technologie

Placez une grande surface remplie d’une série de broches. Un peu comme le bidule où on place notre main ou notre visage et ça épouse la forme.

Imaginez maintenant que vous bougiez vos mains et qu'à l’autre bout, ces broches reproduisent le mouvement de vos mains.

Vous pourrez ainsi faire bouger une balle à distance.

Regardez cette vidéo du MIT:

inFORM - Interacting With a Dynamic Shape Display from Tangible Media Group on Vimeo.

Comment ça marche

D’un côté, une kinect qui capture le mouvement de vos mains et devant vous, un écran pour voir le résultat.

À l’autre bout, vos mouvements de mains sont reproduits sur une surface pleine de broches et une caméra qui filme le tout pour vous renvoyer l’information.

Le capteur est capable de cartographier avec précision et interpréter la position des objets 3D.

Le MIT appelle ça le Radical Atoms (Atomes radicales). D'abord conceptualisée il y a plus d'une décennie , les atomes radicales sont ce que MIT croit être l'avenir de l’interactivité: «tous les renseignements numérique possèderont une manifestation physique».

On a hâte!

Qu'est ce qu'une communauté en ligne

La notion de «communauté» qui semble être clairement au coeur du web et des contenus est en fait un terme un peu flou. 

Dans l'industrie du contenu, on est habitué à l'appeler audience.

Pour le grand public, on le mélange avec foule ou un groupe. 

Pourtant, une foule dans une gare n’est pas la même chose que la foule réunie à la SAT aujourd'hui pour participer à l'événement Communauté social et contenu média


Un groupe d’individus qui partage les mêmes intérêts sur un forum est-il la même chose qu’un groupe dans une liste d’envoi de courriels?

Les communautés en ligne peuvent être entendues au sens large comme des groupes qui, à un moment donné, ont un intérêt en commun et surtout qu’on peut rejoindre individuellement. C'est la différence avec l'audience, que l'on traite en terme statistique.

Effectivement, une communauté en ligne, ce n’est pas une audience anonyme, c’est un groupe que vous avez le potentiel de connaître et d’être en moyen de rentrer en relation avec chaque individu si vous le souhaitez.

Quand on parle de promotion de contenu avec les communautés, on parle en fait de bouche à oreille. Depuis la montée fulgurante des médias sociaux, il est possible pour tout producteur de contenu d’avoir des moyens de rejoindre son auditoire qui était autrefois réservé surtout aux diffuseurs.

D'où l'impératif absolu de se débarrasser des codes, conventions et habitudes héritées du marketing traditionnel quand il s'agit de communiquer avec votre communauté.

Post-Scriptum: La réflexion a commencé ici: Communautés sociales & contenu média

Communautés sociales & contenu média

J’aurai la chance d’animer les deux panels d’experts lors d’un événement du Regroupement des producteurs multimédia la semaine prochaine: «Communautés sociales & contenu média».

L’événement aura lieu à la SAT, endroit que j’adore. Les thèmes abordés sont aux confluents de deux domaines qui m’intéressent beaucoup (au moins depuis que j’ai fait ma maîtrise en communication multimédia il y a plusieurs années): la rencontre d’internet et de l’audiovisuel. 

Pour être plus précis, car les termes employés dans le paragraphe précédent sont devenus désuets, c’est la rencontre des communautés socionumérique et des contenus média. Ça été ma motivation première, croyant que cette convergence allait se produire quelque chose de nouveau et innovant. Ça tarde un peu, mais c'est dans la bonne direction.


Vous avez dit communauté?

La communauté en ligne, c’est l’incarnation du bouche à oreille. La notion de communauté, au sens large, doit inclure les conversations qui ont lieu hors de votre site web.

J’avais discuté avec un producteur l’an passé. Il cherchait à «ramener sa communauté» sur son site. Pourquoi? Parce qu’elle se trouvait dispersée sur d’autres forums que le sien, disait-il. Erreur. La gestion de communauté se passe aussi bien sur ces « forums externes », et peut-être mieux. La gestion de communauté se fait aussi ailleurs que sur son site.


Il y a une erreur d’interprétation quand on parle de «communautés» aux producteurs. Si vous devez faire un film d’horreur, pour prendre un exemple facile, il n’y a peut-être pas lieu de bâtir vous-même une communauté. Elle existe déjà sur des forums de discussion, comme celle qui entoure Patrick Sénécal par exemple. Il est plus facile de proposer votre contenu à une communauté existante que de la bâtir de toutes pièces. Durant la progression de votre projet, cette communauté est aussi la vôtre.

Deux approches seront discutées durant cette journée.

1) Communauté et promotion

Le premier panel (impact des communautés sur la promotion d’un contenu média) touchera sur la façon directe et indirecte que les communautés en ligne ont une influence sur le succès d’un oeuvre.

Entre autres, des études de cas seront présentées par Paul Allard de #engagementlabs autour de marques médias (émissions de télé, films, jeux vidéo).

Il peut sembler étrange dans un marché de l’audiovisuel subventionné comme le nôtre que les productions puissent avoir moindrement un souci de ce que des communautés en ligne pensent. Après tout, on pourrait penser que si on présente un projet de film sur mon nombril et qu’il est accepté par les instances de subventions et les télédiffuseurs, qu’a-t-on à cirer de ce que les gens sur Facebook pensent?


En fait, c’est avant l’acceptation d’un projet et à sa diffusion que le poids d’une communauté se fait sentir. Sans tomber dans le populisme, il y a probablement là une forme de légitimation (au moins partiel) d’un projet qui pourrait reposer sur le fait qu’une communauté en ligne manifeste son appui en amont. Si j’ai X milliers de fans qui s’intéressent à mon projet de film sur mon nombril, il y a là matière à regarder de plus près (tous les autres critères d’évaluation étant égales par ailleurs).

Il y a aussi à la diffusion où l’effet sur le public peut être mesuré finement, ou du moins quantitativement, et presque en temps réel sur les médias sociaux. Le brouhaha autour d’un mot-clic (#) n’est pas sans laisser impressionner. Nous verrons avec #engagementlabs le forces et les limites de ces conversations.

2) Communauté et financement

Le sociofinancement, popularisé par Kickstarter, est une façon encore plus concrète de mettre à contribution la communauté. C'est le thème du deuxième panel (Impact des communautés sur le financement d'un contenu média).

Sur place il y aura  Fabien Fournier et Anne-Laure Jarnet, producteurs et créateurs chez Olydri Studio qui nous parleront du financement participatif pour leur long métrage « Noob ».  Cette marque a levé 680 000€ sur Ulule, un record européen. (Alexandre Boucherot d'Ulule sera d’ailleurs aussi sur place pour la conférence d’introduction).


La principale erreur commise avec le sociofinancement. c’est d’ignorer que la communauté précède la demande de participation. On ne lance pas le projet de sociofinancement pour trouver ensuite une communauté qui serait prête à mettre la main à la poche. C’est l’inverse. C’est parce que vous avez une communauté que vous pouvez penser qu’elle peut mettre la main à la poche.

Promo pour les lecteurs de Zéro Seconde

Si ça vous tente, laissez-moi votre courriel dans les commentaires et je vous enverrai un code promo de 25% sur le prix d’entrée de l'événement (sur Eventbrite). Vous pouvez aussi m'écrire à martinlessard (à) gmail.com avec 'code promo' dans le titre.

Pour les autres, je vous tiens au courant sur ce blogue de mes discussions avec les intervenants dans les prochains jours, car je compte bien vous partager ce dont nous discuterons plus profondément sur les panels.

[M2 #8] Conversation et entreprises (avec B. Descary)

Le Graal, c'est les médias sociaux. Toutes les entreprises veulent en profiter. Peu réussissent

Huitième balado de M2. Benoit Descary est un des blogueurs techno les plus suivis au Québec. Consultant, conférencier, formateur, il traite de l’actualité du Web2.0 et des médias sociaux depuis plusieurs années.



«Conversations, conversations, est-ce que j'ai une gueule de conversation?»

De la même façon que le web a changé la façon de faire du commerce dans les années 90-2000, les médias sociaux ont de 2005 à 2010 changé de nouveau la donne. La vitesse à laquelle tout cela change ne doit pas nous faire perdre de vue lʼapproche stratégique : le choix tactique dʼune plateforme doit se faire seulement après avoir développé sa stratégie, et cette stratégie doit être toujours être liée aux besoins de votre entreprise. Et non pas lʼinverse.

Benoit raconte sa vision des choses et partage son expérience. Il y a bien sûr, en partie, un effet de mode dʼêtre présent dans les médias sociaux, mais pour réussir à arrimer cette culture des réseaux avec celle de votre entreprise, ça demande plus que juste d'ouvrir un compte Twitter. Benoit nous dit pourquoi.  Nous l'avons rencontré au Café Cherrier un jour de pluie -- on devait l'interviewer au carré St-Louis.

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Qu'est-ce que M2?

M2, c'est M au carré, car nous nous sommes deux Martin derrière la réalisation de cette balado. M, aussi pour mutation. Mutation au carré, car le numérique accélère comme jamais les changements en société.

M2 se veut des conversations autour des métamorphoses apportées par les technologies numériques. Cette baladodiffusion est un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique avec des gens qui pensent le numérique.

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Pourquoi partage-t-on des informations aux autres ? [1]

Sur le web, on tombe toujours sur ces chemins de traverse. Ceux qui savent de quoi je parle comprennent très bien ce sentiment: en avançant sur un chemin que l'on trace, on voit s'ouvrir sur les côtés quantités d'autres voies. Une vie n'est pas suffisante pour tout explorer.

Au détour d'une conversation sur un billet , dans les conversations, je tombe sur une information qui m'amène sur un chemin de traverse.

(Pour la petite histoire, tout est parti d'un billet au thème polémique de Xavier de la Porte (Twitter, blogue), animateur de Place de la Toile, à France Culture, publié sur l'incontournable blogue de la FING, InternetActu, tenu par le vaillant Hubert Guillaud: voilà qu'Olivier Auber (Twitter, Site), chercheur indépendant de l'Université libre de Bruxelles, mentionne un de ses collègues avec qui il avait animé deux ateliers dans le cadre d'une série des séminaires conjoints du "Global Brain Intsitute" et de l' "Evolution, Complexity and Cognition group" de la Vrije Universiteit Brussel.)

Dans le cadre des commentaires du billet, qui portait sur la (non) présence des intellectuels critiques dans le numérique, Olivier Auber, donc, citait dans les commentaires Jean-Louis Dessalles, cogniticien spécialisé dans le langage à l’ENST (sa page au Telecom Paristech et une vidéo réalisée par UniverScience.TV sur YouTube) parce qu'il développait une “Théorie de la Simplicité” qui serait à même de nous éclairer sur les phénomènes à l’œuvre sur les réseaux.

Heureuse découverte

Heureuse découverte, oui, car je ne le connaissais pas et pourtant il me semble incontournable. Et hop me voilà engagé dans un chemin de traverse.

En fouillant un peu, on finit par tomber sur une vidéo sur Vimeo qui explique «pourquoi donner des informations aux autres ?», une présentation qu'il a faite il y a 2 ans et qui mérite vachement les 75 minutes d'attention ininterrompue que la vidéo demande.

«En 1978, John Krebs et Richard Dawkins, deux spécialistes des signaux dans le règne animal, ont énoncé ce que l'on peut voir comme la "malédiction" de la communication : si les intérêts de l'émetteur et du récepteur convergent, la communication sera utile, rare et secrète ; s'ils divergent, elle aura une forme publicitaire : pauvre, répétitive et publique.»

Donc, double paradoxe.

1: Si deux êtres ont tant intérêt à communiquer ensemble, leur sphère se referme et exclue les autres.

2: Si l'être A veut passer un message M à un autre être B, et que B ne tient pas à l'écouter, A se retrouve à insister lourdement, formater son message et M devient une pub.

Pourquoi alors sommes-nous là en train de communiquer et d'échanger ensemble de façon ouverte sur les blogues et les médias sociaux (le web en général, en fait)?

Modèle d'émergence de la communication 2.0

Ce long préambule aura probablement fait fuir ceux qui cherchent des réponses bien formatées (un message M qu'ils voudront répéter à B).

Sur le web, et les médias sociaux, la communication humaine semble faire exception au double paradoxe : elle est riche, abondante et ouverte. Le Cluetrain Manifesto ne dit pas autre chose (ce manifeste reste encore et toujours d'actualité; à relire).

Le modèle théorique de Jean-Louis Dessalles explique «comment une communication riche peut émerger entre agents égoïstes et rester stable». Il cite les «pratiques de communication 2.0 (Web, blogs, Twitter...)» comme un beau test à sa théorie.

Je vous laisse écouter (ça fait une 1 heure et quart, tout de même) et on s'en reparle dans le prochain billet.


Pourquoi donner des informations aux autres ? from Fondation Telecom on Vimeo.

Les nécessaires humiliations

Combien d’humiliation subirons-nous avant d’abdiquer « l’intelligence » aux technologies? 

Depuis plusieurs années déjà que se prépare cette sortie. On parle davantage d’intelligence émotionnelle, interpersonnelle, musicale-rythmique et même corporelle-kinesthésique. On diversifie les définitions. "Can Emotional Intelligence Be Taught?» titrait le New York Times le mois dernier. 

«Intelligence», tout court, ce n'est pas suffisant?


La cybernétique, pour reprendre un vieux terme vintage qui a disparu de la circulation, est à l’origine des chamboulements technologiques depuis plusieurs décennies, et, surtout, de cet étrange malaise dans la définition de ce qui fait de nous des humains.

«Intelligent»?

Si pendant des décennies résoudre le cube Rubik représentait l’image d’une « personne intelligente », voilà qu’un robot nous enlève cette illusion.

J'avais écrit il y un an dans le blogue Triplex que les machines arrivaient à résoudre le casse-tête en moins de temps qu'un humain (en 5,27 secondes contre un peu plus pour les humains). Voilà qu'aujourd'hui j'apprends sur le blogue de Vincent Abry qu'un robot le fait en 1 seconde.

Ne clignez pas de yeux:


Le seul charme qui reste au Cube Rubik est celui de l'artisan: le charme suranné de faire quelque chose à la main. Pour la compétition, les robots sont imbattables.

Il va falloir s'y habituer, à ces incessantes, mais nécessaires, humiliations.

Jouer aux échecs, une intelligence logico-mathématique, est passé aux mains des robots quand, il y a plus de 10 ans, Kasparov a perdu contre Deep Blue.

Les questions de connaissances générales ne sont plus l’apanage des  "bollés" depuis que Watson a battu les meilleurs joueurs de Jeopardy.

Ces deuils successifs, principalement du côté déductif et associatif, devant la toute-puissance cybernétique, nous poussent inévitablement à nous redéfinir et à identifier correctement ce qui constitue le génie humain.

Car, côté "intelligence", nous sommes en train d’externaliser à la technologie, un à un, chaque trait de ce qui faisait auparavant notre fierté.

Il y a cet effet perlocutoire sur nous que provoquent ces victoires. Le discours émerge, s'installe, quoi que nous fassions: il va falloir qu'on se redéfinisse, car les machines semblent vouloir le faire à notre place. "Intelligent", tout court, ce n'est plus suffisant....

Lire aussi mon billet: Abdiquer «l’intelligence» aux robots?

[M2 #7] Les mutations tranquilles (avec S. Carle)

Quand Sylvain Carle est en ville, il ne faut pas le manquer. Quand on peut prendre une bière avec lui, c'est encore mieux!

Septième balado de M2. Nous avons rencontré Sylvain Carle cet été sur une terrasse alors qu'il était de passage à Montréal. Il parle de Twitter, de San Francisco et comment Montréal n'est pas loin. De fil en aiguille, vous allez connaître toute la sagesse qu'il a acquise avec les nouvelles technologies et sa passion de partager ses découvertes.



Les mutations tranquilles

La dernière décennie a été celle où la population s'est mise au diapason des techkies de la côte ouest. Et quand tout le monde a ces nouveaux outils, ça ne prend plus grand temps pour que la société change complètement, Voilà pourquoi il est urgent d'avoir un Plan numérique au Québec. Sylvain Carle, même loin là-bas à San Francisco où il travaille pour Twitter, s'intéresse à ce que le Québec va devenir sur le continent numérique.

Pour la petite histoire, c'est Sylvain qui a été à l'origine de notre rencontre, Martin Girard et moi. On s'était rencontré au party de départ de Sylvain pour San Francisco. Il nous a mis en relation quand il a su que chacun de notre côté on voulait faire une balado. De cette rencontre est né M2. Voilà qu'un an plus tard, on le retrouve.

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M2 #7 :: Les mutations tranquilles (Sylvain Carle)

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L'usine à produire des savoirs

Avant que j'oublie, écoute ça:

http://globesonore.org/admin/incoming/20130824110113_Sclerose_ennui_constipation.mp3 


Ça dure juste 30 minutes et ça a autant de densité à la seconde carrée qu'une émission complète de France Culture, l'étalon-mètre, dans chaque oreille. Plus dense et ça courberait l'espace-temps autour de ton oreille et t'aspirerait dans une autre dimension.

Ça donne le même effet en tout cas.

Cet épisode de Zinc, sur Globe Sonore, préparé par Alexandre Gagnon, discute de la condition universitaire à l'ère du capitalisme cognitif, avec Dominic Marion et Alex Bellemare. Ils placent l'université, institution aussi contraignante que libératrice, sur la sellette.

Ils discutent de l'inflation galopante des contenus où tous produisent plus qu'ils n'en consomment sans que cela en résulte en une actualisation des connaissances. Sans véritable consommateur, ses savoirs restent sans suite, sans voix, car elles n'entrent pas dans la sphère discursive.

Que fait-on à l'Université? On y prescrit la "production des savoirs"! Les invités expliquent leur malaise...

Excellent!

[M2 #6] Le iPad à l'école (avec A.Gagné)

Est-ce faire entrer le loup dans la bergerie?

Nous voilà en septembre. Bon moment pour discuter de l'expérience des iPad en classe, qui ne sont plus à l'étape des projets, mais bien des bilans. Alexandre Gagné (conseiller TIC, historien, journaliste, communicateur, prof) a assez de chapeaux pour ne pas parler à travers le sien.



Une tablette pour apprendre?

Sans exception, les élèves qui travaillent avec un iPad en classe affirment qu'ils ne pourraient plus s'en passer. Mais aucun d'entre eux ne souligne que la tablette favorise l'apprentissage. Au Québec, plus de 5000 élèves utilisent de façon quotidienne la tablette en classe. Quels sont les principaux avantages et défis rencontrés? Alexandre en discute franchement. On l'a rencontré au printemps dernier à l'école Jean-Eudes à Montréal.

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M2 #6 :: Le iPad à l'école (Alexandre Gagné)

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Windows 8: branché sur la NSA?

Une étonnante information publiée par le journal allemand Die ZeitBundesregierung warnt vor Windows 8, il faudrait se méfier de Windows 8 !


D'après l'article, l’Office fédéral pour la sécurité dans les technologies de l'information allemand (BSI) trouve que les spécifications de la puce TPM 2.0 (Trusted Platform Module), qui fonctionne avec le système d’opération Windows 8, présente une faille sécuritaire pour son emploi au gouvernement.

La puce TPM 2.0 contient des clés de cryptage qui servent à vérifier l’intégrité du système d’opération (c-à-d: s’il est conforme à ce qu’il doit être et non piraté ou modifié par un virus).  TPM impose donc l'exécution de «code signé» (code approuvé et non modifié), sinon le OS ne fonctionne pas

Le problème se situe ici: la puce est fabriquée en Chine, et il n’y a pas moyen de s’assurer de la sécurité de la puce (une puce espionne?). Et même, pourquoi pas, si la NSA n'est pas passé aussi pour la détourner. Bonjour la théorie de la conspiration!

Les premiers communiqués étaient assez flous pour laisser sous-entendre que la NSA ou même le gouvernement chinois  pourrait entrer par une telle «porte dérobée» (backdoor) pcq ceux qui sont derrière les spécifications de la TPM  2.0 sont uniquement des compagnies américaines.

Dans la foulée des révélations sur l’espionnage de la NSA et de PRISM, et aussi sur la perpétuelle méfiance envers la monopolistique Microsoft, les esprits sont à vif. Le doute est permis, mais la preuve n'est pas faite.

Le réel danger évoqué par la BSI est celui-ci: si pour une raison ou une autre, l'OS est «modifié», malicieusement (par l’externe) ou accidentellement (par l’interne), à la seconde même que ça se produit, la puce TPM 2.0 fermerait le système (supposément par protection).

Et ça, c'est un risque que la BSI trouverait inacceptable pour le gouvernement allemand. Pour tout gouvernement en fait.

Pour Windows 8, dans tous les cas, entre deux mots, il faudra choisir:

- La TPM 2.0 et Windows 8 seront inséparables, pour des raisons de sécurité: personne ne veut utiliser un OS qui aurait été malicieusement modifié.

- Mais en même temps, à l'inverse, l'association des deux fait que la faiblesse se répand à l'ensemble du système et simplement modifier une ligne de code de l'OS suffit pour que tout le système se bloque.

La question qui se pose maintenant et définitivement, plus que jamais, c'est comment vivre dans un monde où, sécurité et surveillance sont définitivement deux faces de la même pièce. 

Le numérique est rendu là.

Sources

(Post-Scriptum: Juste après la pubication de ce billet, j'apprends que Steve Balmer, CEO de Microsoft démissionne. Il ne faudra surtout pas y voir un lien de cause à effet. La Terre n'a plus de place pour une autre théorie de la conspiration...)

[M2 #5] Les nouvelles hiérarchies (avec J.Husband)

Jon Husband est en ville!

Cinquième balado. Nous vous proposons de rencontrer Jon Husband de passage à Montréal, ville où il aime bien s'attarder. Il pense le numérique depuis bien avant qu'on appelle ça le numérique. Il confirme que la montée du numérique érode les hiérarchies en place. Rencontre avec un érudit du numérique qui est entré dans le 21e siècle bien avant nous.



Connexion et collaboration horizontales

On parle de "partager la gouvernance", "d'accroître l'étendue de l'autonomie des gens" et de "créer une démocratie de l'information". Tout ceci se trouvait déjà depuis longtemps dans le concept de wirearchy, l'hiérarchie en réseau, de Jon Husband, qu'il a développé il y a une dizaine d'années. Il en profite pour nous parler de la société et de ce qu'elle a été, de ce qu'elle devient, et vers où nous allons. Nous l'avons rencontré à la Société des Arts technologiques de Montréal.

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M2 #5 :: Nouvelles hiérarchies, entretien avec Jon Husband

Cette émission vous est proposée par Martin Girard et moi-même. Plus d'info.

Qu'est-ce que M2?

M2, c'est M au carré, car nous nous sommes deux Martin derrière la réalisation de cette balado. M, aussi pour mutation. Mutation au carré, car le numérique accélère comme jamais les changements en société.

M2 se veut des conversations autour des métamorphoses apportées par les technologies numériques. Cette baladodiffusion est un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique avec des gens qui pensent le numérique.

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PRISM: Microsoft collabore avec la NSA

Terribles moments pour Internet. Il rime maintenant et pour toujours avec espionnage et fin de la vie privée en ligne. Pour les générations à venir le mail, cloud, le web 2.0 ne signifieront plus qu'inconscience, naïveté et viol des foules numériques.


Les dernières révélations de Snowden exposent davantage les liens, forcées ou volontairement, entre la Silicon Valley et le gouvernement Obama. Et parmi les coupables, il y a les témoins impuissants et ceux qui participaient au crime en tenant les mains de la victime.

Comme Microsoft

On a appris aujourd'hui par The Guardian que Microsoft a collaboré étroitement avec les services de renseignement américain pour permettre d'intercepter les communications des utilisateurs, et ce même s'ils utilisaient le chiffrement propre de firme

Plus les jours passent, plus on se demande même pourquoi Edward Snowden a gardé si longtemps pour lui toutes les horreurs qu'on apprend sur l'étendue de l'espionnage.

Il est impossible, je dis bien impossible, que quelqu'un puisse encore penser qu'Internet n'est pas une simple boite aux lettres directement connectée avec les services secrets américains. Les Américains, mais les autres aussi. Britannique, Français a-t-on appris. Même l'Allemagne défend le principe de l'espionnage en démocratie. Tous les Européens, en fait. Et le Canada? Il cache encore bien son jeu.

Et bien naïf celui qui pense le contraire: nous espionner tout le temps, par tout le monde.


Pour revenir à Microsoft, les documents de Snowden montrent que:
  • Microsoft a aidé la NSA à contourné son propre système cryptage pour intercepter des conversations à travers son portail Outlook.com
  • L'agence avait une "pre-encryption stage access" aux courriels envoyés sur Outlook.com et Hotmail;
  • Microsfot a travaillé avec le FBI en 2013 pour permettre à la NSA d'accéder facilement au service d'infonuagique SkyDrive (250 millions d'utilisateurs à travers le monde);
  • Microsoft a également travaillé avec le 'Data Intercept Unit' du FBI pour les aider à comprendre les enjeux potentiels entourant une fonction dans Outlook.com qui permet aux utilisateurs de créer des alias de comptes courriels;
  • En juillet 2012, soit neuf mois après que Microsoft ait acheté Skype, la NSA s'est vantée que sa capacité a triplé quant à la quantité d'appels Skype capturés par Prism;
  • Et le bouquet, les "matériaux collectés" par Prism sont régulièrement partagés avec le FBI et la CIA, la NSA décrivant cette activité, dans un des documents, comme un «sport d'équipe».
  • (Source The Guardian)
Et les autres compagnies de la Silicon Valley? C'est une question de temps avant qu'on en apprenne plus sur Google, Yahoo, Apple et Facebook, entre autres, qui sont également impliqués dans le scandale à grande échelle.


Je le répète. Internet et Big data, c'est Big Brother (lire mon billet). C'est fini, basta. Circulez.

Les Russes ont raison de revenir à la bonne vieille dactylo

Juin 2013: Mes billets sur Triplex

Un autre mois, un autre tour du côté de Triplex, mon blogue sur le site de Radio-Canada. Vous ne manquerez pas de lecture durant les vacances.



[Média] Structurer la fosse aux commentaires
Les commentaires dans les sites de presse sont souvent des égouts à ciel ouvert. En lançant un « qu’en pensez-vous? » le journaliste ne fait qu'empirer le débat. Pour que les journaux puissent « domestiquer la bêtise des foules» il doit d'avoir structurer et rendre visible «l'intelligence des foules».

À peu près tout le monde qui sait moindrement ce qu’est une console de jeu le pense aussi : offrir une console qui doit se connecter toutes les 24 heures pour fonctionner est une idée idiote. Microsoft a reculé, mais a-t-il tout dit?

[Vie privée] Coupable par corrélation
Le travail de surveillance est sous-traité à des jeunes de 29 ans, comme Edward Snowden, que les services secrets n’arrivent même pas à contrôler! Mais pour un Tintin comme lui, qui s'est révolté pour le « bien commun », il y a combien de Rastapopoulos qui profitent dans notre dos?

[Médias sociaux] Facebook : le mot-clic devient vraiment multiplateforme
Longtemps considéré comme illisible par le grand public, le hashtag a été associé à un groupe étrange qui s’échange des messages codés. Aujourd’hui, grâce à Facebook, il entre dans la culture générale comme le lol et le fail

L’identité numérique n’est pas seulement vos traces visibles en ligne. Il y a des traces qui ne sont pas des messages volontaires. Votre ombre est composée des données que vous laissez automatiquement quand vous interagissez avec le réseau. Pour les services secrets, plus besoin de taper votre ligne.

Dans les relations internationales contemporaines, l’informatique ressort comme un instrument de guerre et Internet est son champ de bataille. La cyberguerre de demain peut prendre au moins une des quatre formes possibles que j'explique.



MOOC: lignes de fracture et bulle universitaire

Massive Online Open Course. Quatre mots, un acronyme à ne pas oublier. MOOC. Le New York Times a convenu il y a 9 mois que son année était venue. L'enjeu véritable? Mettre toutes les universités de la planète en concurrence entre elles. Mais d'autres joueurs veillent dans l'ombre.


L'arrivée d'Internet a fait naître un espoir de révolution dans l’enseignement universitaire. Les MOOCs ne sont que le dernier avatar du fantasme de la télé-université. Cette fois-ci, les ingrédients semblent être en place pour un changement d'échelle.

Bruits de bottes

Il n'y a que les luddites pour ne s'attarder que sur la paille dans l'oeil pédagogique du Massive Online Open Course et éviter de voir la poutre dans l'oeil de la rupture de la culture didactique.

Des limites au MOOC? Il y en a, assurément! Surtout si on persiste à voir les MOOC comme un «cours "2.0"». 

Il est risible de simplement réduire le phénomène à ses défauts. Des défauts, ça se corrige. Ne l'oublions pas.

Non, il faut voir le réel enjeu qui se trame derrière ce phénomène. Toute université traditionnelle doit être sensible quant au potentiel disruptif des MOOCs pour son avenir.

Ce qui n'empêche nullement de rester critique. Et de ce côté, lisez Hubert Guillaud, L’innovation éducative : une question économique ?, qui offre un bon point de départ ou ce lien référé par JM Salaün, Coursera Jumps the Shark.

Mais cherchons aujourd'hui à comprendre la logique afin de permettre à nos universités, surtout au Québec, à l'heure où leur volonté de représentation commune s'effrite, de ne pas rester seules face à un enjeu qui les dépasse toutes individuellement.

J'ai à quelques reprises bloguer la raison pourquoi les universités devaient considérer d'embarquer dans ce mouvement (La course au MOOC) et surtout pourquoi la francophonie devrait prendre les MOOC très au sérieux (À quand des MOOC en français?) --en particulier pour tout ce qui touche la formation continue, une voie qui me semble cruciale pour l'avenir de l'éducation ("apprendre toute sa vie").

Si j'ai pu écrire qu'un bouleversement de l'université était en vue (Le MOOC, désir de révolution), c'est parce que je souhaitais que les universités francophones ne restent pas les bras croisés. 

Dans mon cas, le tocsin s'est mis à retentir quand, Mario Asselin, toujours au faît des avancées du numérique dans le monde académique, a rapporté sur son blogue cette provocation du professeur Langer de l’Université de Columbia:
« Ne bougez pas, mes amis francophones, nous les anglos sommes prêts à accueillir tous les étudiants qui cherchent à s’instruire sur nos plateformes riches en contenus et propices aux apprentissages. » 
Réveil brutal.

Savoir à l'ère de tous les savoirs



La synthèse la plus claire (et la plus érudite) du sens de la rupture qu'apportent les MOOCs m'a été donné dans un billet de JM Salaün, professeur et auteur d'un livre sur le "néodocument" (lisez un compte rendu que j'ai fait de son livre ,Vu Lu Su).

Voici ce qu'il dit en introduction:
«Après bien des tâtonnements numériques dans l'université, les MOOCs ont ouvert une brèche dans le système, sans doute au profit de pure players du web en déplaçant le marché de l'attention. Il n'est plus, en effet, direct, mais multiface et utilise le calcul et l'algorithmie. Sur ces deux points, les acteurs traditionnels sont faibles et incompétents.»
(source)
Ils sont «faibles et incompétents», rappelle JM Salaün, parce que le système universitaire est basé sur une approche qui n'est «plus adapté[e] à l'évolution des sociétés et au partage du savoir qui caractérise le 21è siècle». 

Cette approche traditionnelle, qui ne serait pas adaptée à la nouvelle rupture, est basée sur deux points, le document et l'éditeur:
  • Le document fondateur dans l'université est le cours présenté en classe, construit sur une économie directe de l'attention.
  • L'éditeur a cristallisé et externalisé ce document académique premier dans le manuel.
Ce qu'il dit, c'est que le cours, ce "document", fonctionne bien tant et aussi longtemps qu'on peut capturer toute l'attention des apprenants: la pédagogie traditionnelle fonctionne si on peut capturer 100% de l'attention autour du professeur.

Dans le désert médiatique et intellectuel des siècles précédents, on pouvait compter sur une attention directe et à peu près indivisée. L'Université était une oasis de connaissance dans un monde sans distraction.

Assoiffé de connaissance, prenant chaque goutte d'eau que lui offrait l'oasis universitaire, l'étudiant traversait le désert intellectuel de sa vie en se concentrant sur les seules sources qu'il avait. Le prof, le cours et le manuel.

Ce n'est plus une fenêtre sur le monde, c'est une passoire! 


Je ne sais pas pour vous, mais ça me rappelle l'image que j'ai d'un village champêtre. La classe ou les champs. Apprendre ou rien.

Aujourd'hui, cet assoiffé de savoirs baigne dans un orgie de connaissance, où à chaque recoin de son univers explosent des sources inédites d'apprentissage sur le monde.

Le cours magistral, exemple canonique de la pédagogie, reprend toutes les caractéristiques du livre, suggère JM Salaün.

L'attention devait être réservée entièrement au manuel, au livre, pour qu'il puisse délivrer ses secrets.  En classe, l'enseignement traditionnelle était dispensé en prenant pour acquis que toute l'attention était captée. D'où le choc quand on fréquente une classe en 2013.

La rupture avec les MOOCs. JM Salaün la place dans le déplacement de l'attention, qui n'est plus direct, franc, uniforme. Elle est fragmentée, multifacettes, dispersée. Le prof n'est plus qu'un des nombreux points de contact avec la réalité intelligible du monde.

Cette rupture dans la méthode traditionnelle de l'enseignement, et dans tout accès au monde et à la connaissance, survient aujourd'hui dans un monde où des adjuvants technologiques d'une puissance inconcevable il y a à peine 10 ou 20 ans (lire mon billet La technologie de Curiosity sur Triplex) viennent décupler nos capacités d'accès, d'acquisition, de traitement et de contribution à la connaissance.

Que veut dire «savoir où se trouve l'Afghanistan» quand Google Map ou Wikipédia offre la réponse au bout des doigts? Quelle valeur culturelle attribuera-t-on à la connaissance de culture générale (du type auquel on fait référence dans le jeu de Trivial Pursuit) quand demain Watson sera dans nos poches (lire mes billets IBM et les « ordinateurs cognitifs » et Intelligence augmentée)?

Face à ces mutations, nos adaptions pédagogiques ont l'air risible. Des professeurs, comme François Guité, ne se gênent même plus pour dire que « les programmes scolaires, dans leur normalisation et dans l’uniformisation des connaissances, sont des laminoirs ». (source)

4 lignes de fracture



MJ Salaün entrevoit au moins 4 lignes de fracture provoquées par les MOOCs. Voici comment je les comprends et résume la différence qu'apportent les plateformes de MOOCs versus l'institution universitaire traditionnelle:

1- Disjonction du lien professeur / apprenant 

Le côté "massif et ouvert" distend le lien direct dans le binôme prof-élève. Le côté "cours en ligne" relativise la place du linaire dans la formation. Cassé aussi est le lien formel de la communauté universitaire : l'inscription est remplacée par un abonnement, l'économie repose sur l'offre à la carte, l'appartenance laisse sa place au clientélisme.

2- Fin du temps long pédagogique

Les cours à la carte, contenant eux aussi des modules à la carte, rend formellement granulaire l'approche pédagogique et réduit le corpus du programme complet à une playlist parmi d'autres. De la même manière que les albums de musique ont perdu de leur attrait quand on pu acheter à la pièce les chansons, on finit par voir les cours du Bac comme une gammick commerciale de bundling excessif qui force l'achat de produits connexes pour accéder à celui que l'on veut.

3- L'autorité éditoriale est challengée par le filtrage social

La valorisation du choix des pairs, augmenté par le côté réellement "massif" de la classe, offre des avantages inédits qui ne retrouvent pas même dans une classe de 400 élèves: accès à une "intelligence collective" et une entraide décentralisée et asynchrone d'où la figure du prof se fait rabattre, dans le pire des cas, comme un G.O. dans ce Club Med académique (figure essentielle, mais échangeable).

4- Personnalisation à l'extrème

L'attention redevient concentrée dès que l'usager suit son propre chemin. Finies les distractions. Sinon, impossible de finir le cours. Le rapport prof-élève semble accessoire: l'étudiant se profile par lui-même, se motive et s'organise pour se concentrer sur ce qu'il a à l'écran. Et s'il veut aller sur Facebook en même temps, c'est son affaire.

Le MOOC réussit là où les classes peinent garder l'intérêt des étudiants...

La "bulle universitaire"



Wallace E. Boston, président & Chief Executive Officer de l'American Public University System, dans un billet publié hier, résume le rapport “The Other Higher-Ed Bubble (The Bubble We Aren’t Talking About).”

Voici les points qui ont accroché mon attention:

1- La demande n'est pas si élastique:  «Gone are the days when higher education was an inelastic commodity.  No longer can schools expect to increase tuitions every year and continue to enroll increasingly larger classes.» Les coûts énormes des universités américaines appellent une réflexion sur le "retour sur l'investissement" (ROI).

2- La différenciation est importante: «[...] most colleges want to be like the most elite but only 5% have any chance of reaching that goal. [...] it’s important for any individual school to differentiate from the others».

3- La valeur des diplômes postsecondaires n'est pas acquise: «Many are beginning to question the value of the academic credential in general.  [...] perhaps higher education does not carry the same value it once did [...]»

Google, Apple, Amazon semblent en savoir plus sur mes goûts et mes intérêts que le prof en avant. La technologie, d'une manière ou d'une autre, doit changer la façon que l'Université fonctionne. Les MOOCs permettent une analyse fine de la clientèle et assurément le feedback permet de s'améliorer.
Combien d'années à ce rythme faut-il pour s'améliorer au-delà du point de non-retour? Et devinez qui sont les meilleurs à ce jeu? Les pures play Internet!

Les MOOCs ont tellement frappé l'imagination que c'est à se demander si les universités ne "dormaient pas au gaz" dans les derniers vingt ans. Certains cours de MOOC sont maintenant crédités. Et ici on ne parle même pas encore d'une révolution pédagogique en tant que telle! Imaginez demain!

Si ce n'est pas perçu comme un défi par les universités, je ne sais pas ce qu'il leurs faut...